Forgée dans les années 1990 par Joseph P. Overton, l’idée centrale de la fenêtre d’Overton est que les idées jugées « acceptables » par le plus grand nombre au sein d’une société particulière (et, avec elles, les politiques qui peuvent leur être associées) constituent un ensemble, une « fenêtre », qui peut évoluer au cours du temps.

Pour comprendre ce phénomène, voici un exemple rapporté par une amie néerlandaise : « Lors du nouvel an 2023 à Rotterdam sur le Erasmus Brug [le pont Erasme, tout un symbole. NDLR], des textes racistes et néonazis ont été projetés sur un des pylônes la nuit de la Saint-Sylvestre. Un feu d’artifice était prévu mais annulé à cause du mauvais temps. La projection a duré quinze minutes pendant lesquelles personne n’a vraiment réagi, avec plusieurs slogans comme « Bonne année 2023 pour les blancs » (Happy White 2023, White Lives Matter) et surtout les « 14 mots » slogan venant du néonazi américain David Lane, ancien membre du Ku Klux Klan et de l’organisation terroriste The Order. Brenton Tarrant, l’extrémiste australien de la tuerie de Christchurch (2019) l’a utilisé.« We must secure the existence of our people and a future for white children. » Cette action néerlandaise a été revendiquée par un groupe d’extrême-droite, faisant partie d’un mouvement international, White Lives Matter. Actuellement la justice néerlandaise essaye de déterminer si une action juridique peut être engagée… »

S’il y a un procès, la défense pourra argumenter sur le droit à la libre expression, cher à tous les extrémistes en démocratie (sauf lorsqu’ils sont au pouvoir). Il s’agit d’une stratégie de grignotage de l’opinion publique insidieuse et constante pour imposer les valeurs propres à un groupe. Comme le montre bien le curseur mobile de la fenêtre d’Overton : à force de répétition, de martelage de slogans, etc., le curseur bouge. En négatif comme en positif. Il peut y avoir une évolution lente, sur un temps long, de la société sur certains sujets moraux ou autres. Qui aurait pu imaginer en 1950 que le mariage entre personnes de même sexe serait légal ?

Mais tout dépend de qui manie le curseur !

Une société doit pouvoir évoluer, on ne peut pas bloquer le curseur. Mais il y a une différence de taille quand ce sont des individus cyniques et sans scrupules qui le manipulent. L’exemple de la perversion du langage par la propagande nazie des années 1930 à 1945 doit être sans cesse rappelé, surtout à l’heure des réseaux sociaux et des complotistes de tout poil.

La vigilance intellectuelle reste de mise, surtout en période électorale. Nous en avons eu des exemples lors de la dernière présidentielle où des candidats ont voulu imposer des thèses racistes et xénophobes comme des évidences non discutables.

Sait-on encore discuter ou débattre dans notre société ?

Un individu, un citoyen, peut-il encore dire : « NON ! Je ne suis pas d’accord avec vous et vos valeurs. » ? Pourtant les protestants ont la réputation d’avoir su dire non (même au roi et au pape). Par peur du conflit ou du débat un peu vif, un grand édredon de consensus mou nous endort tranquillement.

Le réveil risque d’être brutal et cruel, mais il sera trop tard.