Le dimanche 2 octobre, le pape François renouvelait son appel à la mise en place d’un “cessez-le-feu immédiat” entre l’Ukraine et la Russie. Il lançait par ailleurs un appel inédit au maître du Kremlin, condamnant l’annexion de quatre régions ukrainiennes par Moscou, et suppliait Vladimir Poutine d’arrêter la “spirale de violence et de mort” dans le pays envahi. “Mon appel s’adresse avant tout au président de la Fédération de Russie, le suppliant d’arrêter, également par amour pour son peuple, cette spirale de violence et de mort”, déclarait le souverain pontife. En définitive, quels peuvent être les effets d’une telle annonce ?
Pour Laura Pettinaroli, directrice des études pour les époques moderne et contemporaine à l’École française de Rome, interrogée par La Croix, cette intervention “a été comparée par certains à celle de Jean XXIII, en octobre 1962, lors de la crise des missiles de Cuba.” “À l’époque, rappelle l’historienne des religions, il s’agissait, comme dimanche, d’une intervention orale, ayant trait à une grave crise en cours. L’Union soviétique était partie prenante, et la question nucléaire était également au centre des préoccupations. Jean XXIII y avait dénoncé, comme le pape dimanche, les horreurs de la guerre.”
Quel impact sur le conflit ?
Reste que l’efficacité d’un tel appel n’est pas évidente à évaluer, dit-elle : si l’appel de Jean XXIII, en 1962, “a eu un réel effet, à la fois sur l’opinion publique et comme moteur d’une relative détente entre le Saint-Siège, l’Union soviétique et l’Église orthodoxe russe”, nombreux sont ceux qui considèrent celui de Benoît XV, durant la Première Guerre mondiale, a été “inefficace.” François Mabille, politologue et directeur de l’Observatoire géopolitique du religieux de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), estime aussi auprès de La Croix que, à travers cette déclaration, le pape “se pose comme médiateur, en prononçant pour la première fois une parole très forte à l’encontre de Vladimir Poutine”. Et de rappeler qu’au début du conflit, François n’était “pas parvenu à nommer l’agresseur.”
Mais le spécialiste de géopolitique des religions ne croît pas cependant à un impact sur le conflit. “À partir du moment où la Russie envahit l’Ukraine, la diplomatie vaticane est aussi impuissante et gênée que les diplomaties étatiques”, soutient-il. Mais cette récente déclaration du pape soulève plusieurs questions concernant le positionnement du Saint-Siège. “Attend-on une parole religieuse ou politique de la part du pape ? L’Église doit-elle prendre une position géopolitique, ou en rester à une réponse humanitaire ?” s’interroge le spécialiste. Car, depuis le début de la guerre, dit François Mabille au journal catholique, François “oscille entre ces registres.”