Par sa biographie, Jacques Ellul est un homme du XXe siècle: il naît en 1912 et décède en 1994. Mais sa force visionnaire et la clairvoyance de son propos en font un penseur du XXIe siècle: les idées qu’il développe anticipent en effet les grandes inquiétudes de notre temps. Et dans des domaines extrêmement diversifiés : Ellul a été à la fois professeur de droit et sociologue, théologien protestant et précurseur du mouvement écologiste, critique acharné de la technique et promoteur d’une espérance qui prend en compte toutes nos limites…
Apôtre de la décroissance
«On ne peut poursuivre un développement infini dans un monde fini.» Qui se souvient que c’est à ce protestant bordelais que revient la paternité de cette formule? Pour Ellul, cette réalité constitue une évidence quand il voit notre mode de vie, notre système de croissance exponentielle et la finitude de notre planète: il entend donc lancer un signal d’alarme. Depuis les années 1930, il défend des positions qui pourraient être signées aujourd’hui par les écologistes: il y parle de sobriété, de révision des besoins, des dangers du productivisme… Et dans ces écrits affleure pour la première fois une autre formule qui a fait florès depuis: «Penser global, agir local.»
Mais d’où vient à Jacques Ellul cette intuition hors du commun? Sans conteste de sa foi réformée, selon Frédéric Rognon, professeur de théologie à […]