Lorsque je parle d’écologie avec des protestants, j’évoque volontiers deux moments clés de ma vie : ma conversion spirituelle et ma conversion écologique. Si j’utilise le même mot pour ces deux changements de direction, ce n’est pas anodin. Je perçois un grand nombre de parallèles entre la théologie protestante, que j’ai étudiée à Strasbourg, et la permaculture humaine que j’utilise aujourd’hui dans le cadre professionnel. Je citerai ici trois similitudes qui me semblent importantes à relever.

Investir le champ social

À l’instar du christianisme social qui refuse de restreindre la foi au domaine spirituel, la permaculture ne peut être limitée au champ de l’agriculture. En effet, les trois principes fondamentaux de la permaculture sont : prendre soin de la terre, des personnes, et partager équitablement les ressources. Concrètement, la permaculture humaine s’inspire du fonctionnement du vivant pour permettre aux communautés humaines de vivre ensemble de manière durable et résiliente.

Tirer des leçons du vivant

Percevoir la création comme un lieu d’enseignement et d’inspiration peut guider nos manières d’agir. Par exemple, dans le vivant, la compétition n’est pas le mode relationnel le plus présent à cause des pertes qu’elle engendre ; la coopération ou la coexistence priment. Ce modèle peut devenir source d’inspiration, notamment pour un collectif de personnes en conflit.

Du côté biblique, de nombreux versets s’appuient sur le fonctionnement de la nature pour délivrer un enseignement spirituel. L’annonce de la mort de Jésus en est une illustration : « Oui, je vous le déclare, c’est la vérité : à moins qu’un grain de blé ne tombe en terre et ne meure, il ne reste qu’un simple grain. Mais s’il meurt, il produit beaucoup de fruits. » (Jean 12.24, Nouvelle Bible en français courant, Paris, Bibli’O, 2019). Jésus a recours à la métaphore agricole pour inculquer à ses disciples la notion nouvelle de résurrection. En s’inspirant du vivant, la permaculture humaine suit une démarche profondément biblique et nous invite à l’adopter.

Garder la terre

Pour finir, comment ne pas mentionner ce texte phare du récit biblique de la Création : « Le Seigneur Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Éden pour qu’il cultive la terre et la garde. » (Genèse 2.15, ibid). Aujourd’hui, la manière de (mal)traiter le vivant reflète la manière de (mal)traiter les êtres humains. La notion de régénération, qui est au cœur de la permaculture, est un point de départ pour considérer les ressources humaines non comme des richesses dans lesquelles puiser – jusqu’au fameux burn-out – mais plutôt comme une part de la création dont nous sommes les gardiens de la bonne santé.

De la même manière que la découverte du Dieu de la Bible m’a révélé une nouvelle manière d’être au monde, la permaculture humaine m’a permis de me considérer comme un écosystème, avec ses ressources et ses limites. Du soin que je lui accorde découle le soin que j’accorde aux autres et au vivant. Non seulement elle m’offre les outils pour m’acquitter de ma mission de gardienne de cette création, mais elle me communique une espérance qui pourrait bien contribuer à l’établissement d’une forme de vie nouvelle !