« Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre. »

La transfiguration, lumière qui vient de l’intérieur et qui change notre vie à tout jamais. Un moment phare ou la pleine conscience de soi, de l’autre, de Dieu et de ce qui nous entoure nous pousse à entrer dans le chemin de la construction de la vie en abondance pour tous et toutes. Jésus est avec les ancêtres Moïse et Élie, tous deux sont entrés dans ce chemin de vie pour construire un monde meilleur. Jésus prie en relation avec ses prédécesseurs, Dieu et la nouvelle génération (Pierre, Jean, Jacques). Il sait que montrer le chemin, prendre le chemin, est un grand risque, risque de dénoncer toutes les sortes de violences, les injustices.

Le risque aussi de faire changer les mentalités, les systèmes qui aliènent l’humain. Et ce, au risque de sa propre vie. Oui, son visage a changé : il est passé par la confiance et par la paix qui s’est installée en lui après avoir pris la décision consciente de continuer le chemin de Moïse et d’Élie, et d’ouvrir ce chemin à Pierre, Jean, Jacques.

Briser les chaînes de l’aliénation

On voit ici clairement le chemin que Dieu propose dans un prolonge- ment, dans un temps monumental où l’être humain est appelé dans cette voie, dans ce chemin qui n’est pas sans risque : celui de briser les chaînes de l’aliénation systémique, de la violence et d’instaurer la logique spirituelle de Dieu.

Liberté et amour ! Mais attention ce chemin fait mal, il y a de la souffrance mais en même temps il y a beaucoup d’amour et de bonheur. Oui, Jésus a vécu une transfiguration comme une « re-figuration » bien enracinée dans une lignée du chemin de Dieu. C’est un moment de plénitude, de lumière, de la personne de Jésus et d’une certaine authentification de sa mission inévitablement difficile.

La Transfiguration est un soutien

Une transfiguration, une beauté, une clarté — extérieure et intérieure — dans une perspective d’épreuves et de mort. La transfiguration est un soutien qui vient du Seigneur, c’est une lumière plus forte que l’inquiétude. Se savoir aimé, même si on ne comprend pas tout ce qui se passe. Cette expérience de lumière, de passage de l’angoisse à la sérénité, de la colère à la paix, de l’enfermement à l’ouverture, de l’isolement à la relation.

S’entendre dire, d’une manière ou de l’autre, « Tu comptes beaucoup à mes yeux ; et je t’aime », ce peut être une expérience unique, une lumière qui traverse l’obscurité. Le médecin me téléphone pour me demander de voir un patient qui aurait besoin d’être accompagné car il ne va pas bien. Le patient à un problème éthique, me dit-il.

J’entre dans la chambre du patient et lui demande s’il peut me recevoir ; je m’aperçois qu’il est avec le médecin qui m’a téléphoné. Je lui dis : « Je peux repasser plus tard, je suis l’accompagnatrice spirituelle du CHU employée comme aumônerie protestante. » Le patient veut que je reste et le médecin semble pressé de partir.

Je m’assoie. Le patient me mentionne qu’il ne pourra pas beaucoup parler car il est trop malade. Il m’explique son problème : il a un cancer et reçoit de la chimiothérapie qui le rend malade. Il se trouve qu’il ne cesse de vomir ; et pas moyen d’être avec sa femme et ses deux fils dans la vingtaine.

Sortir de l’isolement

Il est marié depuis 25 ans avec sa femme et ils ont une belle relation ainsi qu’avec leurs fils, mais il ne peut même pas profiter d’eux. Il est vraiment mal en point. Il se sent impuissant devant l’inévitable mort qui se profile devant lui et, en plus de tout cela, il se retrouve isolé car physiquement incapable d’être en relation avec sa famille. 

On prend un temps de prière ensemble, il est protestant… Heureux hasard sur ce chemin de Dieu ! Il est fatigué, je propose de le revoir demain et de continuer de prier pour que la lumière se révèle à lui.

Je reviens le lendemain à l’heure qu’il m’a indiquée. Il a changé, il a pris des couleurs, il est moins gris. Je lui en fais l’observation. Il me sourit. Il m’explique qu’il a trouvé la paix avec la prière, qu’il a reçu la lumière dans son cœur. Que d’avoir été éclairé pour prendre cette décision a été une chose apaisante.

Il a décidé d’arrêter la chimio palliative car de toute façon il va mourir ; cela raccourcira ses jours de vie mais ce n’est pas une vie que d’être privé de sa relation avec sa famille. Il ne veut pas prolonger sa vie à tout prix en étant isolé, malade, en souffrance, sans pouvoir goûter à la joie de la relation. Alors il va privilégier une durée de vie plus courte, mais en profitant de sa famille, plutôt que davantage de temps en étant trop malade pour pouvoir voir les siens. Il sourit, il pleure, visiblement ému de cette décision, de cette lumière qui l’a apaisé et transfiguré. Une transfiguration, une beauté, une clarté extérieure et intérieure dans une perspective d’épreuves et de mort.

Puis sa femme entre dans la chambre, elle vient retrouver son mari. Il mourra deux mois plus tard en regardant son épouse et en tenant les mains de ses deux fils. 

S’entendre dire, d’une manière ou de l’autre, « tu comptes beaucoup à mes yeux ; et je t’aime », ce peut être une expérience unique, une lumière qui traverse l’obscurité. « Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre. »

Par Mélany Bedouin aumônier des hôpitaux de Bordeaux

TEXTE BIBLIQUE

« Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre », Luc 9,28b-36 (NBS)

En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier.

Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. Voici que deux hommes entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie, apparus dans la gloire.

Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés.

Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu’il disait.

Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent.

Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! » Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul.

Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.