Chez les protestants, la Bible est considérée comme l’autorité ultime en matière de foi (sola scriptura). Sa lecture régulière, son étude et son enseignement sont au cœur de la transmission de la foi. Qu’en est-il dans les autres religions ? Regards croisés d’étudiants du programme de formation Emouna.

De la notion de sacerdoce universel, qui donne au croyant un accès direct à Dieu, découle l’importance de la formation universitaire des pasteurs et prédicateurs laïcs, de l’éducation religieuse donnée aux enfants, de la prédication, des études bibliques dans les communautés et, parfois aussi, des cultes en famille. La transmission de la foi protestante implique un effort conscient.

La connaissance de l’histoire et des valeurs spécifiques du protestantisme est primordiale. Même si les protestants sont peu friands de commémorations, l’histoire de la Réforme, des figures emblématiques (Martin Luther, Jean Calvin…) est enseignée. Les protestants fidèles à une éthique de responsabilité sont mis en avant (entrepreneurs, politiques, chercheurs, lanceurs d’alerte, fondateurs d’associations d’action sociale…). Le travail est valorisé, comme un service rendu à Dieu et à la communauté, mais le sont également l’engagement social, l’implication dans des œuvres caritatives, les combats menés contre les injustices, la sensibilité à la vulnérabilité, la préoccupation des minorités.

Ainsi, la mise en pratique quotidienne de la foi est une forme de transmission. Les protestants cherchent à transmettre la Bonne Nouvelle qui surgit de la rencontre avec Dieu. Cet Évangile n’est pas un point de doctrine à apprendre mais l’expérience d’une rencontre libératrice qui oriente toute l’existence. Les protestants sont encouragés à partager leur foi avec les autres, mais la question du témoignage personnel et de l’évangélisation varie en fonction des différentes dénominations. Et comme l’Église se réforme sans cesse (semper reformanda), il n’existe pas de recette infaillible pour transmettre la foi.
Et ailleurs, ça se passe comment ?

Chez les juifs, par Adeline Bokobza, membre de la communauté juive libérale du Centre Maayan, enseignante-chercheuse

L’actuel grand rabbin de France nous rappelle que le lieu fondamental de la transmission est la cellule familiale : « Il y a une paronomase entre les mots hébreux banim et bonim, le premier voulant dire “les enfants” et le second “les bâtisseurs”, ce qui est valable pour toutes les cultures, mais qui est essentiel dans le judaïsme où l’on doit sacrifier beaucoup pour éduquer ses enfants et leur transmettre une culture plus que trimillénaire. »

Il faut dépasser l’idée que la judéité ne se transmettrait que par la mère – principe déjà débattu dans le Talmud –, car c’est d’abord et avant tout par les récits et rituels que le souvenir et la mémoire se perpétuent. Les repas et les fêtes sont toujours associés à un événement historique, mais l’héritage, les valeurs doivent amener à s’interroger, et non être reçus et assimilés tels quels : le questionnement et la liberté de prendre position sont aussi au cœur du judaïsme. Chacun est ainsi invité à faire siennes l’histoire et les valeurs juives, en résonance avec sa propre individualité.

Chez les catholiques, par Baptiste Snaet, laïc en mission ecclésiale, adjoint diocésain au service des mouvements d’enfants du diocèse de Lille

Dans les milieux aisés, de nombreux enfants sont encore catéchisés dans les paroisses ou les écoles catholiques. On pratique aisément la prière en famille, la lecture entre parents. Il y a souvent une messe en soirée fréquentée par des familles, quand la messe dominicale l’est plutôt par les anciens. Les enfants vont chez les scouts…

Dans les milieux populaires, les jeunes couples font l’expérience d’une double minorité : dans leur génération, ils sont les seuls pratiquants ; parmi les pratiquants, ils sont les seuls de leur âge, les seuls à avoir des enfants… C’est souvent décourageant.

Le rituel des baptêmes d’enfants est moins pratiqué aujourd’hui mais, dans les établissements d’enseignement catholique et les aumôneries de l’enseignement public, des jeunes demandent le baptême et s’engagent pleinement. L’enjeu est de créer une proposition fraternelle pour l’enseignement et la pratique des jeunes parents. Les initiatives sont nombreuses et méritent d’être connues (patronages, mouvements et associations, messes des familles). On a même une église gonflable pour les temps forts.

Chez les orthodoxes, par Dimitri Sollogoub, lecteur de l’Église orthodoxe, étudier à l’EPHE

Il existe de nombreuses traditions dans l’orthodoxie, et maintes manières de transmettre. Je fais partie de deux associations, l’une dédiée à la jeunesse, l’autre aux pèlerinages pour les jeunes adultes, et je pense que le meilleur moyen de transmettre la foi est la pratique.

Avec les enfants, on organise des activités culturelles toute l’année et un camp l’été. Au camp, les journées débutent et finissent à l’église, et les journées culturelles commencent par la liturgie (messe). Pendant l’année, les enfants retrouvent leurs amis du camp d’été et la transmission de la foi se poursuit par la pratique dans l’Église.

Du côté des jeunes adultes, c’est plus complexe, car deux mondes se rencontrent : les jeunes baignés dans la foi depuis leur enfance et les nouveaux convertis qui ont soif d’apprendre. Les pèlerinages offrent de revenir aux sources. Visiter des lieux abritant des reliques de personnes saintes permet de se recentrer sur les fondamentaux de la foi. Si nous avons des questions, les prêtres, théologiens et théologiennes sont toujours ravis de nous éclairer.

Chez les bouddhistes, par Bertrand Rossignol, membre du mouvement bouddhiste Soka, chercheur affilié à l’Institut de philosophie orientale de Tokyo

La transmission de la foi prend différentes formes en fonction des écoles bouddhistes, très diverses dans leurs enseignements et leur organisation. Dans ma communauté, qui pratique le bouddhisme de Nichiren, elle s’effectue de plusieurs façons.

Comme dans toute religion, la transmission se fait d’abord « verticalement », de parents à enfants. Pour les jeunes qui s’intéressent à l’enseignement du Bouddha, des forums sont organisés (à partir de seize ans). La transmission se fait aussi dans des réunions de quartier, appelées zadankai, chez des particuliers, autour d’un (ou de plusieurs) enseignant(s)-animateur(s) expérimenté(s). Un thème, relatif à Bouddha ou à des sujets plus larges, est défini préalablement et une discussion s’engage.

Nous organisons également, à un rythme mensuel, des réunions d’étude de textes traditionnels (sûtras, traités…) dans notre site parisien ( et en visioconférence). Enfin, des retraites de quatre jours sont régulièrement proposées dans notre centre de séminaire de Trets, près d’Aix-en-Provence.

Chez les musulmans, par Rabia El Hadi, directrice de l’établissement d’enseignement religieux de la mosquée de Villeneuve-la-Garenne

La transmission de la foi et des valeurs de l’islam est intégrée au quotidien des fidèles. Elle touche à la fois l’intime, le familial et le social et s’articule autour de plusieurs axes, dont l’éducation et les célébrations religieuses.

Les parents jouent un rôle en inculquant les préceptes de l’islam à leurs enfants dès leur jeune âge : apprentissage de la prière, récitation du Coran et observation des principes comme la charité et le respect des autres. Les histoires des prophètes et les enseignements du Prophète Mohamed servent à la fois de leçons morales et de fondements.

Dans les associations et les mosquées, la transmission de la foi prend une dimension collective. Les imams et les fidèles organisent des cours de religion, des séminaires et des discussions autour des aspects pratiques et spirituels de l’islam.

Les fêtes religieuses jouent un rôle central dans la transmission des valeurs. Des pratiques telles que le jeûne, la prière et le partage permettent de vivre et d’expérimenter concrètement la patience, la générosité et l’entraide.