Celle du « vivre ensemble » sous-tend toute l’activité du scoutisme en général et se lit avec évidence dans les racines du scoutisme protestant.
Après avoir encadré pendant de nombreuses années une troupe d’éclaireurs, je reste toujours surpris que les personnes extérieures à ces expériences scoutes soient aussi admiratives de l’unité qui transcende le groupe. Ce « vivre ensemble » se trouve dans les liens qui unissent des adolescents issus d’horizons différents, de culture religieuse, d’éducation et de moyens différents. C’est cette force qui assure la construction d’un groupe social ayant son langage propre, mais lisible par tous, porté sur l’ouverture, et que l’on retrouvera identique au travers des générations passées.
Ainsi, le mouvement scout, grâce à ses codes et ses rituels, permet de fédérer en regroupant et s’appuie sur des piliers immuables : l’uniforme, vecteur d’intégration sociale, met les adolescents sur un pied d’égalité évident ; les rites de passage, comme l’obtention du foulard, du nom de jungle ou totem, permettent à l’adolescent de se souder à la collectivité en tant qu’il est reconnu par celle-ci ; la promesse, faite devant l’assemblée de ses pairs réunie au coin du feu, par laquelle l’adolescent s’engage, entre autres, à respecter cette loi qui tient le groupe ; les chants de table scandent les moments de la journée pour les repas, conçus comme des prières, mais aussi scellent l’unité du groupe en tant qu’ils rendent grâce et rassemblent en un temps court l’intégralité de ses membres portés par les airs joyeux et entraînants ; les corvées, partagées dans la joie, rendent l’adolescent responsable de lui-même et du bien-être de son équipe.
« Ce « vivre ensemble » se trouve dans les liens qui unissent des adolescents issus d’horizons différents, de culture religieuse, d’éducation et de moyens différents »
Ces valeurs communes permettent malgré les différences d’âge ou d’horizons de faire tenir le groupe dans le temps (pas uniquement pour un camp mais pour les années de vie de communauté) en l’inscrivant dans une histoire dont il est l’acteur. L’exemple de l’adolescent de 17 ans apprenant au nouveau venu la perfection d’une queue-d’aronde ou d’un brelage n’a pas que la fonction utilitaire de permettre à la plateforme ou à la table de camp de rester debout. Elle sert à l’individu à prendre conscience de ses richesses en lui offrant la possibilité de les transmettre pour que la qualité de ce savoir ne soit pas perdue au fil des générations, comme un père avec son enfant, comme un maître avec son apprenti.
Enfin, l’universalité de ces valeurs transpire au-delà des générations grâce aux liens que ces adolescents ont pu tisser entre eux et qui dépassent ceux de leur vie scolaire ; mais aussi parce que les travaux du groupe sont partagés avec les étrangers à ce groupe : c’est en témoignant de la richesse de sa vie scoute que le groupe se soude davantage. Pour un adolescent, quelle joie d’accueillir le village à la veillée de fin de camp, quelle fierté de pouvoir montrer les photos des réalisations de froissartage à ses parents, par définition étrangers à leur collectivité, lors des séances de diaporama de la rentrée, quel pas vers l’autonomie, lorsqu’il se met à son tour à encadrer les plus jeunes que lui.
Fabien Mirabaud, commissaire-priseur judiciaire et habilité