Pierre-Olivier Dolino a quitté Marseille et la Miss pop qu’il fréquentait depuis vingt-deux ans pour devenir délégué général de la Fédération de l’Entraide protestante en janvier. Portrait d’un homme qui aime Dieu, l’humanité, les combats contre l’injustice et le reggae.

Il était destiné à une carrière d’ingénieur. Il est devenu pasteur. Pierre-Olivier est en terminale, il est bon en maths et en physique et s’interroge sérieusement sur son orientation post-bac quand il se réveille un matin avec la conviction subite qu’il est appelé à un ministère pastoral. Exit le projet d’école d’ingénieur – selon la tradition familiale –, le jeune homme est persuadé, et pas du genre à se laisser influencer. Sa mère, protestante, lui suggère de n’en parler à personne et de réfléchir tranquillement à son projet. Son père lui jette : « Très bien, mon fils, tu fais ton école d’ingénieur et tu seras pasteur après. » Pierre-Olivier prend le temps du discernement, il rencontre son pasteur, s’informe sur le métier, le ministère, les études. L’appel devient une évidence, il s’inscrit à l’Institut protestant de théologie de Montpellier.

On raconte chez les Dolino que, tout petit, Pierre-Olivier avait affirmé qu’il serait pasteur. France, une amie de la famille, l’appelle d’ailleurs « mon petit pasteur ». Mais de tout cela, Pierre-Olivier ne se souvient pas. Il se rappelle très bien en revanche le caté, les temps spirituels chez les éclaireurs unionistes où il expérimente la foi, acquiert le goût du dialogue et du débat, puis la redécouverte de cette foi auprès de la communauté catholique œcuménique du Chemin neuf alors qu’il est ado. À cette époque, il fait des maraudes avec l’Armée du Salut puis des missions humanitaires en Roumanie. Il est touché par la pauvreté et la précarité, « ma fibre sociale s’est éveillée ».

Pendant ses études de théologie, Pierre-Olivier croise la route de la Mission populaire qui organise des rencontres avec la Mission de l’industrie. Les ouvriers côtoient les cadres, on cause théologie, accompagnement pastoral, enjeux économiques, conditions de travail… les relations entre le monde professionnel et la Bible enthousiasment le jeune étudiant.

Au sortir de la fac, il rejoint Le Picoulet, un centre social de la Mission populaire à Paris, dans le quartier de Belleville, où il est formé à la direction d’établissement ; il y reste sept ans. C’est au Foyer protestant de La Duchère à Lyon que Pierre-Olivier Dolino poursuit sa carrière ; pendant neuf ans, il développe un gros travail interreligieux et culturel, « une période très passionnante et foisonnante ». Il passe les sept années suivantes à la Fraternité de La Belle de Mai à Marseille où il remet sur pied une structure en grande difficulté.

Pierre-Olivier Dolino n’aura pas été ingénieur. Sans regret. Ni pasteur de paroisse. Sans regret non plus. Le travail en mission urbaine n’a pas toujours été facile : « Bien sûr, on rencontre des difficultés quand on est dans le secteur social, en prise avec la précarité, les tragédies du quotidien… une femme avec ses enfants dans la rue et pour laquelle on ne trouve pas de solution… quand tu rentres chez toi le soir, c’est dur à porter. » Le pâtre a parfois eu l’impression de « se battre contre des moulins à vent », mais il a pu se ressourcer à travers des rencontres, le travail fédératif et la prière qui lui ont permis de garder le cap. Et puis il y a eu les confidences de personnes précaires qui ont retrouvé goût à la vie, le semi-marathon, la musique, et Bob Marley aussi.

À quarante-cinq ans, Pierre-Olivier Dolino avait envie de « changer d’échelle », de faire bouger les choses à un autre niveau, d’influencer les pouvoirs publics parce que « quand on est sur le terrain, on n’a pas le temps », de prendre du recul. C’est chose faite.

Il s’avoue très heureux d’avoir rejoint la FEP. Son épouse, chercheuse au CNRS sur les questions de pauvreté et précarité, et ses deux filles, onze et quatorze ans, sont à fond derrière lui.