Née « dans une famille catholique mais qui n’y croyait pas », Rolande Ribeaucourt continue à fréquenter l’Église après sa communion, quand la plupart s’éloignent. Elle croit en Dieu comme d’autres à un oncle d’Amérique. À l’aumônerie de son école d’infirmière, à Lille, les jeunes étudiants baptistes ne se contentent pas de l’office du dimanche. Elle veut en savoir plus, rejoint leurs études bibliques et comprend que sa croyance est très intellectuelle. « Le Jésus dont ils parlaient, je ne le connaissais pas et je l’ai rencontré. J’ai découvert la grâce de Dieu. Je croyais qu’il fallait faire des œuvres pour être sauvé. J’ai été amenée à faire des œuvres dans ma vie mais parce que j’étais sauvée, pas pour être sauvée ! »
Des œuvres, Rolande Ribeaucourt-Pailleux en a fait un grand nombre, à commencer par l’accueil de gens de la rue dans la petite communauté de vie qu’elle rejoint avec son époux Patrick, au centre-ville de Lille, dans les années 1980. Avec une demi-douzaine d’amis, ils hébergent et accompagnent des personnes sans domicile fixe. Rolande gère l’accueil et l’intendance, c’est une très belle période. Quinze ans et quatre enfants plus tard, elle met ses compétences au service d’une association née dans sa paroisse, l’Abej SOLIDARITÉ, et s’occupe de la santé des personnes sans abri. Elle y officiera pendant plus de trente ans, comme infirmière d’abord puis en tant que cadre de santé et enfin à la direction d’un pôle santé qui regroupe sept établissements.
Au contact des personnes en grande précarité, Rolande Ribeaucourt-Pailleux reconsidère sa conception de l’efficacité «qui n’est pas toujours celle qu’on croit». Il faut beaucoup de temps pour instaurer la confiance, et accepter de cheminer au rythme des personnes accueillies, pas à pas. Au plus près d’elles, elle cherche des réponses pertinentes à leurs problématiques de santé physique et psychique et participe au niveau national à une large réflexion sur l’accueil médicalisé.
La directrice entoure ses chefs de service pour qu’ils remplissent au mieux leur mission. « Il faut souvent détricoter certaines choses apprises pendant la formation pour s’adapter à ces personnes qui ont des addictions, un rapport aux soins et au temps très particulier. » Elle entretient la proximité avec les personnes accueillies, son bureau est au centre du service: elle a besoin de ce contact « pour ne pas se dessécher ». Un jour, à la gare, elle engage la conversation avec une personne sans abri. Alors qu’ils se séparent, il la remercie chaleureusement d’avoir pris le temps de parler avec lui. « Ça m’a renforcée dans l’idée qu’au-delà de toutes les aides qu’on peut apporter, l’essentiel demeure la relation. »
Ses années à l’Abej SOLIDARITÉ sont heureuses. Rolande Ribeaucourt reçoit plus qu’elle ne donne, elle est frappée par le courage de ces gens qui lui offrent de vraies leçons de vie : « Je me demandais si, dans leur situation, j’aurais encore eu du ressort pour lutter. » Elle se sent privilégiée d’avoir eu un travail en accord
avec ses convictions et aspirations, « le mal au ventre pour partir au boulot, je n’ai jamais connu ça ».
Rolande Ribeaucourt-Pailleux a pris sa retraite et un poste d’aumônier des prisons. Et même si la situation des femmes qu’elle rencontre est parfois très difficile, elle se sent comme un poisson dans l’eau à leurs côtés. « L’Évangile, c’est aimer Dieu de tout son cœur et son prochain comme soi-même. Je ne me pose pas de questions, j’agis, il y a un lien naturel entre mon amour pour Dieu et l’envie de faire ce que je peux pour les hommes, à mon petit niveau. »
Pour Rolande Ribeaucourt-Pailleux, aimer et aider, ça coule de source. D’une source d’eau vive qui ne tarira jamais.