Après la France, c’est en Suisse, en terres vaudoises mêmes, que l’on voit fleurir toujours plus de burkinis aux abords des piscines. Si cette tenue ne passe pas inaperçue, allant jusqu’à susciter agacement ou propos polémiques, elle ne saurait être comprise en dehors de l’injonction faite dans certains milieux musulmans, de couvrir le corps des femmes. Explications avec Wissam Halawi, professeur d’histoire sociale et culturelle de l’islam et des mondes musulmans à l’Université de Lausanne.

D’où vient l’obligation de couvrir le corps des femmes dans l’islam? Du Coran?

Voiler le corps de la femme est une tradition religieuse tardive en Islam. Le Coran n’est pas clair sur ce sujet. Le terme le plus usité pour désigner aujourd’hui le voile est «hijâb»; or les sept occurrences de ce terme dans le texte coranique prennent toutes le sens de «rideau de séparation» et non de voile.

Les deux autres vocables (jilbâb et khimâr) ne signifient pas non plus le voile intégral ou partiel du corps de la femme. Le jilbâb renvoie à un signe vestimentaire distinctif des femmes libres (dont celles du Prophète), afin de les distinguer des femmes esclaves pouvant être abordées en public pour des services sexuels. Force est de constater que le verset ne précise pas la partie du corps que ces femmes libres devraient couvrir.

Cette ordonnance ne serait donc pas si claire dans le Coran?

La confusion persiste en effet. Dans le verset 31 de la sourate 24: «Dis aux croyantes […] de ne montrer que l’extérieur de leurs atours, de rabattre leurs khimār sur leurs poitrines.» Bien que le texte s’adresse ici à l’ensemble des femmes croyantes, il indique la seule nécessité de se couvrir la poitrine du regard des hommes étrangers capables de passions charnelles.

Et qu’en est-il alors des autres parties du corps?

La notion coranique de «‘awra» désigne «les parties du corps à cacher». Elle est largement commentée dans les milieux conservateurs islamiques pour légitimer l’obligation de voiler les femmes, alors que dans le Coran ce terme concerne aussi bien les femmes que les hommes. Cette notion se définit en fonction de la personne qui regarde la femme ou l’homme en question: si une femme a un penchant […]