Se renouveler… sommes-nous tous concernés ?

À l’évidence. Seul, on peut avoir le sentiment que ce qu’on fait est infinitésimal. Je crois en la force d’un collectif qui rassemble des énergies et crée des synergies. Je crois en l’opiniâtreté des uns et des autres, à leur enthousiasme et leur élan pour inventer de nouvelles formes d’action. Je suis ainsi frappé par les multiples initiatives innovantes pour « aller vers ». C’est un changement complet de paradigme, lorsqu’on n’oblige plus quelqu’un en difficulté à se déplacer jusqu’à un guichet. C’est considérer l’autre comme une personne. Autre exemple : l’insertion par l’économie, née d’initiatives de terrain pour agir autrement que par l’octroi d’une allocation. Il y a un champ extraordinaire à investir toujours plus. Notamment dans les métiers du bâtiment, en prenant appui sur les besoins de rénovation thermique pour que l’insertion sociale et la justice climatique se rejoignent. Mais on peut aussi penser à l’économie circulaire. Se renouveler, c’est la source d’innovations réussies, en rupture avec cette culpabilisation rampante qui gangrène notre société et qui voudrait que si une personne est en difficulté, ce soit sa faute. C’est le levier primordial pour changer le monde.

Mais ne faut-il pas d’abord se changer soi-même ?

Nécessairement ! Se changer soi-même, c’est prendre conscience qu’on est dans une interdépendance avec chacun et le monde. C’est se reconnaître une responsabilité personnelle d’agir au service d’autrui et pour un monde autre. Pour nous, protestants, c’est accepter de faire résonner en nous l’Évangile. Nous ne pouvons nous résigner au monde tel qu’il est, parce que nous en anticipons un autre. Celui que le Christ nous dévoile et dont Il nous donne la clé quand Il affirme qu’il est venu non pour être servi mais pour servir. Nous sommes là pour agir, ici et maintenant, pour qu’advienne ce monde différent. Nous sommes appelés à prendre des risques, ce qui suppose hardiesse, courage, qu’on sorte d’une forme de timidité, qu’on ne redoute pas l’échec. Les financements, les réglementations ne doivent pas nous paralyser. Osons une forme de transgression intelligente, croyons à des utopies concrètes, à notre capacité à faire l’impossible, à nos bonnes intuitions.

L’engagement est-il incontournable ?

Plus que jamais. Individuellement et collectivement. Il y a un travail considérable à faire dans nos associations et nos Églises pour revivifier l’engagement protestant. Le Carrefour de l’engagement protestant est une belle initiative en ce sens, hélas mal connue. Nous devons renouveler le bénévolat, offrir de nouvelles formes d’engagement. Aujourd’hui, on ne s’engage plus à vie mais pour un temps ou une mission. Mais il est aussi fondamental que les salariés de nos institutions soient investis de cet Esprit qui nous fait vivre. Je rêve d’un Institut supérieur de l’économie sociale et solidaire protestante qui constitue un vivier de personnes engagées, prêtes à exercer des responsabilités croissantes dans le cadre de parcours interinstitutionnels. Nous cherchons des dirigeants aux compétences professionnelles fortes mais nous avons besoin tout autant de personnes ancrées spirituellement. Et nous avons du mal à les trouver. Pour préparer la relève, nous devons avoir à cœur d’attirer des jeunes de nos Églises vers le travail social. Il est difficile mais il y a de la joie dans ce service, la joie de la rencontre, la joie de voir une forme d’assignation à destin devenir une liberté de vie. La joie de voir des vies qui changent. Et si des vies changent, le monde change.