Dans quelles circonstances avez-vous rencontré Dieu ?

David Lecomte : J’étais fils unique de fils unique de fils unique, ainsi sur trois générations. Donc, quand je suis arrivé, j’étais un peu choyé, j’étais même un peu un enfant roi. Et quand je suis devenu médecin, je suis devenu l’idole de mes parents. J’avais été écœuré par mon internat chez les Jésuites et j’étais devenu déiste. C’est-à-dire que je croyais en une force supérieure. Tout allait bien jusqu’à ce que mes parents tombent malades.

À 29 ans, alors que ma première fille venait de naître, j’injectais de la morphine directement dans le cerveau de ma mère. Elle est décédée d’un cancer du sein, et un an plus tard, mon père est décédé d’un cancer du poumon. Ce furent des périodes terribles. Aux décès de mes parents s’ajoutaient ceux de mes deux derniers grands-parents. J’étais devenu totalement seul. Je n’avais plus aucune famille, si ce n’est mon épouse et ma fille. Pour couronner le tout, j’étais atteint d’un psoriasis, une maladie de peau qui couvrait 85 % de mon corps.

Bref, saturé de souffrance, je commençais à être dépressif et même suicidaire. J’étais un médecin ne sachant pas se soigner lui-même. Mais un jour, après une discussion profonde, un collègue médecin m’a invité à une réunion de prière. Pendant que trois personnes priaient pour moi, l’Esprit Saint m’a donné la conviction que même si en étant médecin je ne faisais rien de mal, à cause de mon orgueil, j’étais réservé pour l’enfer. Je pleurais comme un bébé et puis j’ai prié et me suis repenti. Alors, une paix extraordinaire s’est installée en moi. Une paix indéfinissable.

Isabelle Lecomte : Quand je l’ai vu rentrer à la maison le soir même, j’ai tout de suite vu que quelque chose avait changé en lui. Je lui ai demandé : « Que t’est-il arrivé ? » Alors, il m’a expliqué l’expérience extraordinaire qu’il avait vécue. Et là, je me suis mise à pleurer aussi. Moi, qui suis née dans le milieu protestant, moi qui depuis enfant allais à l’église, à l’école du dimanche, jamais je n’avais ressenti ce que lui venait de vivre. C’était vraiment incroyable. Quelque part, je l’enviais. Alors j’ai fait cette prière : « Seigneur, c’est pour moi le moment de me réconcilier avec toi. » En effet, je m’étais éloignée de la foi à cause du décès de mon grand-père. Et deux jours après, j’ai eu un songe magnifique dans lequel je ressentais tout l’amour de Dieu pour moi. Et j’ai parlé à David de mon rêve. Nous avons décidé ensemble d’aller dans une église évangélique. C’était un nouveau départ pour nous.

Comment en êtes-vous arrivés à devenir aumôniers dans les hôpitaux et les maisons de retraite ?

Isabelle Lecomte : Ça a été progressif. Plusieurs circonstances, dont la maladie de David, nous ont amenés à déménager en Savoie puis à servir dans une église à Belley, dans l’Ain. Alors que j’étais en arrêt maladie, David en invalidité et que notre dernière fille était partie au Canada pour faire des études, nous nous sommes demandé : « Seigneur, qu’est-ce que tu veux de nous ? »

David Lecomte : À Belley, où nous étions très engagés dans l’implantation d’une Église, l’organisation, et l’annonce de l’Évangile, il y a un hôpital. Nous avons naturellement commencé à visiter des membres de l’Église qui étaient hospitalisés puis nous avons réalisé qu’il y avait beaucoup de personnes qui auraient besoin d’entendre l’Évangile. C’est ainsi qu’est née la volonté de nous engager comme aumôniers. Et l’hôpital de Belley nous a très bien accueillis; nous avons pu signer une convention avec eux.

Comment votre engagement s’est-il développé ?

David Lecomte : Nous nous rendions régulièrement à l’hôpital de Chambéry pour rendre visite à des membres de l’église de Chambéry, notre église mère. Lors d’une de ces visites, je suis allé voir l’affichage relatif aux aumôniers dans l’hôpital. Je me suis rendu compte qu’il n’y avait que des catholiques, des musulmans et des juifs. Et là, il m’a pris une colère sainte. Je me suis présenté à la secrétaire de direction et je lui ai dit : « Je suis médecin, avec mon épouse nous sommes déjà aumôniers de l’hôpital de Belley et nous nous demandons où sont les aumôniers protestants. » Étonnamment, nous avons tout de suite pu obtenir un rendez-vous. Le directeur est arrivé en nous disant : « Ah les protestants, mais où étiez-vous ? Nous vous attendions depuis longtemps ! »

Isabelle Lecomte : Nous avons donc signé la même convention qu’à Belley. Ce n’était pas voulu au départ parce que nous avions déjà assez de travail. Mais Dieu a conduit les choses sur Chambéry, puis sur Aix-les-Bains. C’est de cette manière-là que l’aumônerie a vraiment pris de l’ampleur sans qu’on ne s’y attende. Même si aujourd’hui, nous avons déménagé dans le nord de la France pour nous rapprocher de nos filles.

Comment se passent les visites ? Quels sont les fruits ?

Isabelle Lecomte : C’est uniquement du cas par cas. J’aime beaucoup écouter les gens. Nous écoutons leur souffrance et ensuite nous demandons aux gens si nous pouvons prier pour eux; c’est déjà quelque chose qui les touche. À partir de là, on peut parler de notre foi et approfondir pour ceux qui sont réceptifs et ne pas insister pour ceux qui sont fermés.

Nous ne savons pas vraiment ce qu’il se passe dans le cœur des gens que nous visitons et qui sont souvent en fin de vie. Certains décèdent quelques jours plus tard. Je pense notamment à cette dame âgée et atteinte de la maladie d’Alzheimer à l’Ehpad dont la fille voulait être sûre que sa maman soit sauvée. Nous avions chanté des cantiques dans sa chambre. Elle, qui n’avait plus parlé depuis des mois et dont les yeux étaient vides, les a ouverts, s’est mise à […]