La Symphonie no 3 de Léonard Bernstein s’appelle aussi Kaddish. Je ne comprends strictement rien à la musique contemporaine. Je connaissais Bernstein comme compositeur de West Side Story. Le titre de l’œuvre m’a intriguée : le kaddish, c’est une prière de la liturgie juive, connue surtout comme prière pour les endeuillés. L’écoute m’a ébranlée.
Bernstein compose cette œuvre en 1963 mais, pas satisfait, la reprend jusqu’à aboutir en 1977 à ce cri où alternent musique et texte parlé. Rappelons-nous : 1963, c’est la crise de Cuba, apogée de l’angoisse nucléaire.
La prière du kaddish est en fait un chant de louange au Dieu créateur qui continue à créer et est ainsi présent au cœur du monde. C’est un chant d’espérance : la vie plus forte que la mort car un jour le règne de paix adviendra. En reprenant cette prière millénaire, Bernstein commence avec un requiem qui évoque la folie des hommes dans leur marche suicidaire vers la destruction totale. Dans la pure tradition de la Bible, il interpelle Dieu sur sa justice et son apparente absence. « Toi qui as créé l’aurore, tu pourrais bien venir mettre un peu d’ordre dans le chaos ici-bas. Je me tourne vers toi avec une colère respectueuse. Je suis cet être humain que tu as créé à ton image, cette partie de toi qui est en moi, qui te cherche et refuse la victoire de la mort. Tu ne m’as pas oublié ? » Pour terminer par ce cri : « Pardonne-moi Père, j’ai oublié que tu t’es rendu vulnérable en me créant. Permets-moi de te tenir la main et de te consoler. Pour qu’ensemble nous puissions recréer le monde. C’est un rêve, mais c’est le rêve qui me fait vivre. »
Nous allons monter vers Noël. Serait-ce, cette année de nouveau, « la trêve des confiseurs », cette parenthèse factice dans un monde en souffrance ? Pourrons-nous être guéris de notre quête de toute-puissance et suivre le conseil de Martin Luther : « Mon ami, pour reconnaître Dieu, tiens-t’en à la crèche. N’escalade pas le ciel, va d’abord à Bethlehem. »