“Frères vénérables et fils très chers ! Nous faisons devant vous, avec une certaine crainte et un peu d’émotion dans la voix, mais également avec une humble résolution de propos, le projet d’une double célébration : un synode diocésain pour la Ville [Rome] et un concile œcuménique pour l’Eglise universelle”. C’est ce qu’a lancé le pape Jean XXIII (1881-1963), le 25 janvier 1959, lors d’une cérémonie religieuse qui a lieu à la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, à un auditoire abasourdi, d’après Le Monde. Le 11 octobre 1962, trois ans plus tard, il ouvrait le IIe concile œcuménique du Vatican (Vatican II) et faisait entrer l’Église catholique dans la modernité.
Pourquoi le pape Jean XXIII prend-il une telle décision ?
Comme le précise Le Monde, aucun élément à l’époque ne laissait présager un tel changement au sein de l’Église. Plus tard, Jean XXII racontera avoir eu une “inspiration”. D’autres sources rapportent qu’il souhaitait “aérer l’Église”. Le contexte (guerre froide, menace nucléaire, sécularisation) a peut-être penché dans la balance. “Les problèmes du monde entier étaient immenses. Nous ne nous y connaissions pas et nous ne connaissions pas les différentes situations, même dans le monde catholique. Jean XXIII pense tout d’un coup : là, il faudrait un concile”, témoigne Loris Capovilla, secrétaire particulier du pape à l’époque, dans un documentaire diffusé par Le Jour du Seigneur.
Quelles sont les principales réformes adoptées lors de Vatican II ?
C’était il y a 60 ans, donc. Le concile s’ouvrait le 11 octobre 1962, sous le pontificat de Jean XXIII, et s’achevait le 8 décembre 1965, sous Paul VI. Résultat : quatre “constitutions”, neuf “décrets” et trois “déclarations”. Le plus gros changement : la fin de la messe en latin. Dorénavant, la célébration se fait en langues vernaculaires, permettant une plus grande participation des fidèles. Aussi, le prêtre fait davantage appel à ces derniers, qui interviennent durant l’office, note Le Parisien. C’est à ce moment-là que l’Église s’ouvre aux évolutions du monde moderne (démocratie, droits de l’homme).
Pour l’historien Denis Pelletier, auteur de l’ouvrage Les Catholiques en France, de 1789 à nos jours (Albin Michel, 2019), cité par Le Monde, “la caractéristique massive de ces quatre constitutions est une forme d’ouverture à la culture contemporaine. Une ouverture partielle, certes, mais pour la première fois l’Eglise affirme qu’elle partage quelque chose avec le monde moderne : une forme d’humanisme.”
Enfin, un changement s’opère dans le rapport aux autres religions. Désormais, l’Église indique que les non-catholiques ne sont pas nécessairement voués à la damnation, écrit Le Monde. Dialogue et paix entre les cultes sont de mise. Et vingt ans après la seconde guerre mondiale, l’antisémitisme est clairement condamné. “Il s’agit de revoir l’enseignement de l’Eglise sur les juifs, de repenser le rapport théologique de l’Eglise au judaïsme. On passe d’une théologie de la substitution (l’Église se substitue à Israël, qui est réprouvé par Dieu) à la théologie de la filiation”, souligne l’historien Philippe Chenaux, auteur du Temps de Vatican II. Une introduction à l’histoire du concile (Desclée de Brouwer, 2012), cité aussi par Le Monde.
Quelles traces laissées par le concile aujourd’hui ?
Depuis, deux courants s’affrontent. Il y a ceux qui continuent de prôner le renouvellement de l’Église et de s’ouvrir davantage à la modernité. Et les autres qui estiment que le concile suffit. Concrètement, ces deux courants s’opposent sur plusieurs sujets (contraception, avortement, démocratisation de l’Église, mariage, mariage des prêtres, place des femmes). Alors que le nombre de baptisés est en baisse, que la pédocriminalité a terni l’image de l’Église, 60 ans après l’ouverture du concile Vatican II, le catholicisme fait face à des défis et des crises de taille. Certains pensent que le concile a accéléré les difficultés. Mais pour d’autres, il n’est pas assez loin. Dans une tribune publiée par La Croix, Jean-Louis Schlegel, philosophe et sociologue des religions, explique que “l’implosion à laquelle on assiste aujourd’hui aurait eu lieu bien plus tôt, et en pire, et ma conviction est qu’il n’y a pas eu trop de concile Vatican II, mais trop peu.”