L’histoire de la Maison d’Abraham a débuté le 4 février 2019. Ce jour-là, l’imam de l’université islamique du Caire al-Azhar, Ahmad al-Tayeb, et le pape François, en visite aux Émirats arabes unis, ont signé un document sur “la fraternité humaine pour la paix mondiale et le vivre-ensemble”. Le texte milite en faveur de la tolérance entre les religions, précise L’Orient-Le Jour. L’accord a donné lieu à la construction de “The Abrahamic Family House” ou “la Maison d’Abraham”, un complexe consacré aux trois religions monothéistes.

Construite par sir David Adjaye, architecte britannico-ghanéen lauréat 2021 de la médaille d’or du Royal Institute of British Architects pour l’ensemble de son œuvre, la Maison d’Abraham est située sur l’île de Saadiyat. Tout proche du Louvre Abu Dhabi, le complexe s’étend sur 6 500 m2 et est occupé par une église, une mosquée et une synagogue. “La conception architecturale s’inspire des points communs aux trois confessions, mettant l’accent sur les similitudes plutôt que sur les différences. […] Ainsi, nous avons utilisé le prisme ou polyèdre qui donne une forme plutonique à la géométrie claire : trois cubes posés sur un socle”, explique la note de description du bureau Adjaye Associates.

La même taille

L’ensemble en béton blanc cassé symbolise le sable et les montagnes émiraties. Quant aux trois édifices, ils sont inclinés vers différentes orientations, mais ils partagent un même jardin. Ils ont aussi en commun leur taille. Un choix assumé par David Adjaye qui désirait “effacer la notion de différence hiérarchique”. En revanche, chaque édifice arbore des détails propres à sa religion : “Les dômes, voûtes et arcs pour les mosquées ; l’idée d’enceinte dans la tradition juive ; ou encore l’idée de délivrance et d’extase dans les églises chrétiennes. Nous avons amplifié ces détails, en intégrant les éléments de la création, la lumière et l’eau”, est-il écrit sur la notice. Quant au bois, au calcaire et au bronze utilisés par l’architecte, “ce sont des matériaux classiques utilisés dans les trois religions”.

Logiquement orientée vers La Mecque, la mosquée Imam al-Tayeb est dépourvue de minarets. En revanche, ses façades aux sept arches rappellent la signification du chiffre sept dans l’islam (le nombre des cieux dans la tradition islamique et le nombre de tours à effectuer autour de la Kaaba). Quant aux plafonds voûtés de la mosquée, ils comportent quatre colonnes monolithiques. Sans soudure, elles représentent les notions islamiques de stabilité, d’ordre et de plénitude. Pour parfaire la décoration, un fin treillis tamise la lumière. Et une pierre épurée a été retenue pour réaliser le mihrab, l’endroit où l’imam s’installe pour les prières du vendredi. Enfin, des cloisons amovibles séparent les hommes des femmes lors de la prière.

Un écran entre l’intérieur et l’extérieur

Quid de l’église Saint-François ? Orientée vers le soleil levant à l’est, son extérieur se distingue par une forêt de fines colonnades. Deux d’entre elles, d’une longueur différente, représentent l’épreuve de la foi. Un portail en bois permet d’accéder à l’espace de congrégation, où des bancs en chêne font face à l’autel. Ce dernier a été inspiré par celui de la basilique Saint-Pierre à Rome. Un ambon pour poser le lectionnaire ou la bible, un tabernacle en marbre, ainsi qu’une crédence en chêne où sont déposés calices, patènes et ciboires contenant les hosties, le vin et l’eau utilisés lors de l’Eucharistie n’ont pas été oubliés. L’ensemble trône sous un crucifix moderne. À côté de l’église, un baptistère de forme conique complète l’édifice.

La synagogue Moses Ben Maimon, elle, est tournée vers Jérusalem. Elle se compose d’une série de trois colonnes en forme de “V”. Elles se touchent et se rassemblent pour former un écran entre l’intérieur et l’extérieur. En le formant, l’architecte et ses associés ont voulu recréer les couches superposées des feuilles de palmier sur la soucca, une structure temporaire construite spécifiquement pour la fête de Souccot. Cette dernière célèbre les années passées dans le désert par le peuple hébreu, rappelle L’Orient-Le Jour. Un rideau en mailles tombe depuis le plafond. En bronze, il symbolise le tabernacle d’origine, qui abritait l’Arche d’alliance à l’époque de Moïse. L’aménagement de la synagogue a été réalisé de manière à s’adapter aux congrégations séfarades et ashkénazes. Un mikvé, bain rituel utilisé pour l’ablution nécessaire aux rites, a été installé à côté de l’entrée.

Un jardin surélevé

Mais ce n’est pas tout : la Maison d’Abraham est également l’hôte d’un quatrième bâtiment. Il fait office d’espace forum, de bibliothèque, de lieu d’exposition et permet d’accueillir diverses activités culturelles. Toutes ses pièces donnent accès à un jardin surélevé, ceint par des palmiers et de la végétation régionale. Une plateforme panoramique permet aux visiteurs d’admirer les trois structures religieuses. En effet, le site est devenu touristique.