Bien entendu, chacun a proposé « son » essentiel et, finalement, ce sont les autorités politiques qui ont tranché. Cet essentiel était de garder notre corps en bonne santé physique. La Bible propose une autre voie.

La logique de ce royaume nous échappe

Dans le grand discours programmatique de Jésus appelé Sermon sur la montagne, dans l’Évangile de Matthieu, il est écrit : « Ne vous inquiétez pas pour votre vie, de ce que vous mangerez ou de ce que vous boirez, ni, pour votre corps, de ce dont vous serez vêtus. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement1 ? » Jésus fait ensuite remarquer que l’observation de la nature nous révèle une harmonie sans conscience explicite des éléments qui la composent. Il nous demande de faire comme « les lis des champs et les oiseaux dans le ciel » et d’attendre de Dieu qu’il réponde à nos besoins premiers. L’essentiel pour l’homme est, selon Jésus-Christ, de «  chercher d’abord le royaume de Dieu et sa justice » et ensuite « toute chose vous sera donnée en plus2 ».

Jésus ne définit pas ce qu’est le royaume de Dieu ; pourtant, c’est un thème central de sa prédication. Pour en parler, il utilise souvent des paraboles et invite son auditoire à entrer dans le récit pour saisir la réalité de ce royaume. Par bien des aspects, ce royaume est en décalage avec nos critères. Ainsi, le royaume de Dieu est comparé à un patron qui paie autant l’ouvrier qui a travaillé douze heures que celui qui a travaillé une heure ; à un père qui accueille comme un roi son fils cadet qui a dilapidé sa fortune, et laisse en marge de la fête son fils aîné droit et fidèle ; à un homme qui organise un grand repas et, face au désistement de ses invités, finit par forcer des quidams à remplir sa maison. Le royaume est aussi comparé à un serviteur avisé qui escroque son maître et se fait étonnamment féliciter pour son habileté.

Souvent, la logique de ce royaume nous échappe et la justice de Dieu nous paraît injuste, ou tout au moins contredire nos références en la matière.

Que signifie « chercher » ce royaume ?

Le royaume est-il ici, dans le présent de la prédication du Christ ou dans le futur tel une promesse ? Est-il, comme l’affirment de nombreux théologiens, en tension entre un ici et maintenant et une perspective éternelle ou infinie ? Faut-il, pour le chercher, renoncer au monde matériel pour ne s’occuper que de choses spirituelles ? Et enfin, l’Église a-t-elle quelque chose à voir avec le royaume de Dieu ?

Je ne peux chercher le « royaume de Dieu et sa justice » sans me poser toutes ces questions et tenter d’y répondre. J’en arrive à la conclusion que la recherche du royaume ne conduit pas nécessairement à sa découverte car, comme le laissent entendre les paroles du Christ, le royaume ne se trouve pas mais il s’éprouve. 

Cet essentiel n’est donc pas à acquérir mais à vivre, à la fois en contradiction avec le monde qui nous entoure et dans la conscience de notre besoin de justice. En aimant, en pardonnant, en cessant de juger, en se montrant compatissant, chacun peut expérimenter cette justice, en être à la fois l’instrument et le bénéficiaire, et échapper, du même coup, à tout jugement qui ne serait que rétribution équitable du bien et du mal.

Là est un essentiel du royaume.

Par Brice Deymié, pasteur de l’Action chrétienne en Orient à Beyrouth

1 Évangile de Matthieu 6.25.
2 Évangile de Matthieu 6.33-34.