Le monument le plus emblématique de Lausanne est visité chaque année par 500’000 personnes. Entre juin 2023 et février 2024, celles-ci ont affiché 3500 intentions de prière – dans toutes les langues et sur tous types de supports – sur un tableau prévu pour les recueillir. En dialogue avec les responsables du lieu, Aurélie Netz, anthropologue spécialiste des spiritualités contemporaines du religieux et par ailleurs chroniqueuse pour Réformés, s’est penchée sur ces fragments de piété. Elle s’est concentrée sur ceux écrits en français afin de les décrypter. Il en résulte un livre, savoureux et accessible, et une exposition conçus comme une «promenade culturelle pour parler du croire aujourd’hui». Entretien avec Aurélie Netz. 

Vous dites que le croire que vous avez découvert est « déroutant, multiple, créatif ». Pourquoi ? 

Déroutant, parce que de nombreuses prières ne s’adressent pas à Dieu, mais à des défunts par exemple («Maman qui est au ciel»), ce qui brouille nos habitudes quant aux manières de dire ou de penser le religieux. Multiple, car certaines prières s’inscrivent dans une tradition catholique, réformée ou évangélique – on peut du moins le supposer à partir de leur construction narrative, des thèmes qui émergent, de la manière d’imaginer Dieu et son intervention. Créatif, car la spécificité de ce lieu – son immensité, les sonorités uniques qu’on y entend – nous renvoie à notre petitesse humaine et aussi à notre capacité d’agir. La cathédrale fait partie de ces lieux qui nous font nous questionner et nous voir autrement, un espace d’ancrage, mais aussi d’expérimentations spirituelles. 

Quelles thématiques dominent : gratitude, besoin de protection… ? 

La guérison est un sujet phare, mais aussi l’amour et les relations – couple et familles – , la volonté de paix dans le monde et le besoin de trouver un lieu de sérénité intérieure. J’ai été bouleversée par certaines prières qui racontent […]