La liberté de religion ou de conviction, comme le droit à la non-discrimination en raison de la religion ou des convictions, sont inscrits dans la Charte internationale des droits de l’homme, les Conventions africaine, américaine et européenne relatives aux droits de l’homme. Elles figurent également dans d’autres règles, rappelle Nazila Ghanea, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la liberté de religion ou de conviction.

Mais en 2023, soit soixante-quinze ans après la proclamation de la Déclaration universelle des droits de l’homme, ou encore quarante-deux ans après l’adoption de la Déclaration des Nations unies de 1981 sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, la situation de la liberté de religion ou de conviction reste très préoccupante. La Journée internationale des personnes victimes d’actes de violence en raison de leur religion ou de leurs convictions a été créée dans le but de faire avancer les choses.

“Violence directe”

La responsable souligne que “c’est peut-être dans les situations de conflit armé que ce phénomène est le plus évident”. Dans son viseur figurent, notamment, le sort réservé aux musulmans rohingya, les chrétiens pris pour cible par des groupes armés dans certaines parties de l’Afrique de l’Ouest, ou encore les crimes contre l’humanité et le génocide perpétrés par l’État islamique à l’encontre des Yazidis.

Nazila Ghanea rappelle également que les discours et les politiques antiterroristes, qui ont proliféré depuis 2001, conservent un effet dissuasif sur les capacités des minorités religieuses ou de conviction à manifester leurs croyances et constituent une menace importante pour l’espace civique en général. “La violence directe à l’encontre des communautés religieuses ou de conviction marginalisées va souvent de pair avec une discrimination légalement imposée au niveau national et/ou des comportements préjudiciables et discriminatoires généralisés non contrôlés, et elle est facilitée par ceux-ci”, détaille la Rapporteuse.

Violations des droits de l’homme

Dans de nombreux États, le refus des gouvernements de reconnaître officiellement les identités religieuses ou de conviction comme, par exemple, les croyances autochtones, non religieuses ou autres, ainsi que la série de violations des droits de l’homme individuels ou collectifs qui découle de cette non-reconnaissance, sont un mécanisme essentiel de ce processus.

Elle rappelle ensuite comment le droit fondamental de changer de religion ou de conviction continue d’être criminalisé dans de nombreuses situations. Parfois avec des sanctions qui, dans certains cas, vont jusqu’à la peine de mort. Les entraves à la liberté religieuse peuvent être fondées sur des allégations non fondées de crimes contre la sécurité nationale, d’extrémisme, de terrorisme, de blasphème ou d’apostasie, ou bien de violations des codes vestimentaires religieux ou d’autres traditions, toutes étant incompatibles avec les normes internationales en matière de droits de l’homme. Si bien que toutes les personnes privées de leur liberté sont particulièrement vulnérables aux mauvais traitements liés à leur religion ou à leurs convictions.

“Changer les préjugés”

Et quand un cadre juridique n’érige pas en infraction pénale l’appartenance à une religion ou à une conviction particulière, les comportements préjudiciables sont fréquents parmi les fonctionnaires de l’État. “La justice pénale seule n’est pas en mesure de changer les préjugés et les comportements très répandus qui sont en jeu. Je suis d’avis que l’on ne peut lutter efficacement contre ces phénomènes qu’en s’engageant en faveur de la liberté de religion ou de conviction telle qu’elle est établie dans la législation internationale des droits de l’homme”, lance la Rapporteuse.

Un engagement qui passe par la ratification des traités pertinents et l’abrogation des réserves inutiles, certes, mais aussi par la conformité de la législation nationale avec ces normes, leur promotion par le dialogue et l’éducation à tous les niveaux de l’État ainsi que la participation de la société civile, du monde des affaires et des chefs religieux.