Placez-vous au sommet de la grande salle des escaliers de la gare Saint-Lazare à Paris vers 8 heures du matin lorsque des milliers de personnes l’empruntent chaque minute entre leur train et leur métro, se croisent, se frôlent, tentent de traverser au plus vite cet espace mal conçu et parsemé d’obstacles : vous en concevrez une sorte d’admiration pour cette abnégation, cette intelligence collective qui permet à tous ces gens de subir cette épreuve sans broncher, sans se battre, presque sans effort. (…)

Mais depuis quelques années, c’est comme si cette grande complaisance pratique avait besoin d’être compensée par une extrême irritabilité idéologique. Au café, en famille, au travail, on entend des réflexions très noires, du moins sur le monde extérieur, celui dont on n’est pas directement responsable, dont on n’a pas une connaissance professionnelle ou intime. […]