Par Jef Joussellin, comité de rédaction de Présence

Incultes, violents, racistes, xénophobes, homophobes, antisémites, que n’a-t-on entendu des commentateurs autorisés dans des interventions où souvent le mépris le dispute à l’ignorance, s’attachant à analyser un mouvement social, le plus important que ce pays a connu depuis Mai 1968 et qui fait fi de tout cadre d’interprétation classique.

Il est sûr que ce mouvement a de quoi dérouter. Il est sûr qu’il tend le flanc pour se faire battre. Il est sûr que sa force est aussi sa faiblesse (cela déjà devrait nous parler, à nous autres porteurs de la parole de la force faible). Il est sûr que l’ambiguïté y règne. Il est sûr que des dérapages inadmissibles eurent lieu dans les différents « actes » de la saga gilets jaunes : ils sont tous en mémoire, étant passés en boucle sur les écrans.

Mais ce mouvement est sans doute, avant tout, une fois de plus le surgissement inopiné des hommes et des femmes sur le terrain qui leur est souvent interdit : celui de l’histoire et celui de leur destin commun. De même que 1936, de même que 1968, pour se limiter à la France, et sans vouloir pousser l’analogie plus loin. Ce mouvement, c’est les ronds-points de la chaleur et de la fraternité retrouvées, c’est les appels de Commercy et de Saint-Nazaire renouant spontanément avec les plus belles heures du mouvement ouvrier et des luttes émancipatrices.

Et si les gilets jaunes nous murmuraient à l’oreille : « Les derniers seront les premiers » ? Une petite musique que nous ne pouvons pas ne pas entendre !