Non pas attendrissant mais glaçant. Non pas compatissant mais réprobateur. Les individus se sentent rejetés. Désapprouvés dans des modes de vie qu’ils ont choisis ou qu’ils subissent de plein fouet. Le regard de Dieu, lui, ne culpabilise pas. Il relève toujours.

Après une prédication, une paroissienne est venue me voir pour me dire que je n’avais pas évoqué la situation des femmes divorcées célibataires. Pour elle, elles étaient les grandes oubliées de l’Église alors même que leurs souffrances étaient grandes. À cause de leur situation, souvent précaire, mais surtout à cause du regard culpabilisateur que la société porte sur elles… comme sur d’autres personnes d’ailleurs. La société regarde ainsi les célibataires, bien entendu, mais aussi les « cougars » (alors que le jeune homme sera souvent qualifié, lui, de « Don Juan ») et les couples n’ayant pas d’enfants… Le terme désignant une femme n’ayant jamais accouché est « nullipare ». Certes, le terme latin « nullus » signifie « ne … pas ». Mais c’est le même terme qui sert à désigner les êtres et les choses insignifiantes, méprisables : nulles ! Et c’est bien souvent ainsi que ces femmes ressentent ce terme. Comme une agression. Comme un rejet de leur vie, de leur couple. Pire : comme un jugement condamnant tant l’une que l’autre. Et c’est aussi ce que ressentait la femme qui m’a abordé à la fin de ma prédication.

Que dire ?

La grâce de Dieu est pour tous ! Qui que nous soyons. Quel que soit notre parcours. Quels que soient nos réussites et nos échecs, nos « bonnes » ou nos « mauvaises » actions. La grâce divine est première et inconditionnelle. Cette affirmation de la Réforme doit être réentendue avec force. Elle est bien présente dans le cantique « Tel que je suis » de Charlotte Éliott : « Tel que je suis, sans rien à moi, (…) Tel que je suis, bien vacillant ; en proie au doute à chaque instant (…) Tel que je suis, ton cœur est prêt à prendre le mien tel qu’il est, pour tout changer, Sauveur parfait ». Dieu nous aime tel que nous sommes. Cela est bien souvent difficile à accepter. Nous préférerions qu’il nous aime « à cause de » : nos diplômes, nos réussites, notre fidélité dans notre mariage, notre dévouement à notre partenaire… Mais non. Il nous aime tel que nous sommes. Cela signifie qu’il nous prend avec nos forces mais aussi avec nos faiblesses. Qu’il aime jusqu’à nos fragilités, voire même nos défauts. Ce regard porté sur nos existences nous permet de relativiser tous les discours culpabilisateurs et moralisateurs émanant de la société ou de la famille.

Culpabilité

Oui, le croyant doit se rappeler, comme le dit l’auteur de l’Épitre de Jean, que « si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur » (1 Jean 3,20). Mais beaucoup de personnes ont des difficultés à s’accepter. Leurs défauts (égoïsme, mensonge…), leurs failles (discours dévalorisants de leurs maris, viols conjugaux…) les empêchent de s’aimer et de se considérer comme aimable. Le « tel », présent dans le cantique protestant, agit comme un « boomerang » multipliant leur culpabilité. Ils peuvent accorder une oreille plus attentive au fait que Dieu les aime « malgré » ce qu’ils sont. Malgré ce que j’ai fait, malgré ce qu’on m’a fait (et qui a détérioré mon image de moi-même), malgré mes choix de vie ou des situations qui se sont imposés à moi et à mon couple : je suis aimé de Dieu. Cette affirmation est moins statique que le banal « tel que je suis ». Elle ressuscite les personnes qui l’entendent et leur permet de se mettre en marche.