Face à ce qui peut se révéler une « crise salutaire », il faudrait, « plutôt que de nous réfugier dans les idolâtries éphémères », d’abord « être reconnaissants de ce moment charnière qui se profile, un moment propice à déverrouiller nos imaginaires ».

Nous sommes dans une époque où se sont effondrées beaucoup de certitudes : celle d’une société communiste qui a été l’espoir de nombreux peuples au 20e siècle ; celle d’une science qui pensait pouvoir répondre à tous les questionnements ; celle d’une technique qui apporterait le bien-être à la très grande majorité ; celle d’un marché planétaire censé sortir de la misère les peuples les plus exposés à l’exploitation, à la malnutrition, aux catastrophes naturelles. Aujourd’hui, tout cela est en crise et cette crise est d’une ampleur inédite. Bien sûr, avant nous, des empires se sont effondrés, d’autres les ont remplacés. Ne serait-ce que dans l’histoire biblique, on voit Ninive supplantée par Babylone, Babylone supplantée par Athènes, Athènes supplantée par Rome. Mais aujourd’hui Pékin ou Delhi ne supplanteront jamais Berlin ou Washington car, dans toutes ses formes, la crise est mondiale.

Une accumulation de crises

Si on a craint de voir la destruction de la planète par le nucléaire, on peut craindre aujourd’hui que la destruction de la vie sur terre ne soit le résultat d’une exploitation illimitée des ressources, exploitation qui, si elle ne cesse pas à l’échéance d’une génération (au maximum), entraînera des catastrophes qu’aucun État, aucune gouvernance mondiale ne sera en mesure de juguler. C’est la première crise majeure à laquelle nous nous affrontons, celle du rapport de l’homme à la nature, à la création, à son environnement.

La deuxième crise majeure à laquelle nous nous affrontons, c’est celle du vivre ensemble, de notre capacité à vivre ensemble : vivre ensemble dans nos sociétés, vivre ensemble entre les peuples. Car cette exploitation de la nature s’est faite – il faut bien le dire – dans une distorsion de plus en plus grande entre les bénéficiaires du développement et les laissés pour compte du sous-développement. Nos sociétés, pourtant démocratiques, ont laissé se mettre en place un système pervers : l’enrichissement des uns s’est toujours fait au détriment d’une majorité qui, bien que relativement bénéficiaire d’une croissance matérielle, s’est toujours vue  […]