T, âgé de 17 ans, était en compagnie d’un groupe d’amis quand un adulte a frappée la copine de l’un d’entre eux. Il a spontanément réagi à cette agression, et a donné plusieurs coups de couteaux à l’agresseur, puis a pris la fuite. Pris de remords, il est allé le lendemain se dénoncer. «Frapper une femme, ça ne se fait pas, en plus elle était enceinte. Quand je suis arrivé en prison, j’étais soulagé, c’est comme si j’avais un secret que je ne pouvais pas dire. Maintenant, ça fait un poids en moins sur ma conscience. Je pensais pas que je pouvais en arriver là. Je tiens par rapport aux lois de la cité, tu fais une connerie, tu assumes. Mes amis ont voulu témoigner pour moi, j’ai pas voulu, j’ai voulu me dénoncer et assumer. Depuis que je suis en prison, je commence à m’ouvrir aux autres ; mes parents, je leur parle presque pas de mes sentiments. la raison pour laquelle je l’ai poignardé, c’est parce que je déteste les hommes qui frappent les femmes, parce que mon père frappait ma mère.»

Le facteur le plus fréquemment à l’origine de la violence est l’effet de groupe. Un lieux commun veut que l’adolescent est un enfant enfermé dans un corps d’adulte. C’est pourquoi cette violence est bien plus souvent le témoignage d’une immaturité affective, irrationnelle et impulsive, que d’une méchanceté froidement réfléchie et calculée. Chez les mineurs, les violences les plus graves sont fréquemment associées à des passions amoureuses. Si elles ont fréquemment lieux entre des bandes rivales, elles peuvent également se produire au sein d’une même bande, et les victimes ne sont pas toujours les ennemis, mais parfois les amis d’enfance.

La veille de ses 17 ans, R a donné plusieurs coups de matraque à un rival amoureux, qui était aussi son ami. «Je voulais qu’il se mette à ma place, qu’il ressente la douleur avec les coups, pas avec le cœur. C’était mon meilleur ami, il a dragué ma copine, il m’a trahi, le plus dur, c’est qu’il me trahisse, je tenais à lui. Quand j’avais 12/13 ans, on trainait à 4, puis à 10. On était un vrai groupe, on faisait des conneries, caillasser des bus, bruler des voitures pour le nouvel an. On s’est dit ‘’il faut qu’on se donne un nom de groupe’’, et on se le tatouerait quand on serait grand. Quand on s’appelait, on venait direct, on s’était donné des règles, si on les respectaient pas, on tapait. On était comme une famille, je dormais chez les autres, ils venaient chez moi, ç’est pour ça que j’ai pas supporté sa trahison».

Si de nombreux mineurs ont recours à la violence pour se venger ou affirmer leur virilité, un certain nombre d’entre eux le font pour punir l’un de leur camarade, qui a commis une faute morale.

A, bientôt majeur, a effectué un cambriolage avec un ami. Ce dernier a maltraité une femme âgée. «Le cambriolage, c’était pour pas gratter ma mère, pour qu’elle s’habille bien. J’ai mis une caméra, une porte blindée à l’appart de ma mère, elle se sent bien. L’immeuble cambriolé, c’était un putain d’haussmannien, avec des sculptures en or dans l’entrée. Je fouillais l’appart pendant qu’il la gardait dans la chambre. Il y avait plus de trente mille euros. Quand on était au commico [commissariat], il m’a raconté qu’il lui avait tordu le bras pour qu’elle donne l’argent. Elle a 83 ans, il l’a extorquée ! Dans la cellule, je l’ai massacré. 83 ans, c’est plus que ma grand-mère, ça mérite même pas la honte, tu lui craches dessus. Je lui ai mis des coups de pieds dans la tête, c’est la base. Je lui ai cassé le nez. »

La violence n’est pas une maladie, elle est un comportement. Chez les mineurs elle est dans la très grande majorité des cas liée à leur jeune âge et à leur manque de maturité, elle reste exceptionnellement le fait d’une maladie psychiatrique ou d’une personnalité perverse ou psychopathe. C’est pourquoi le passage par la case prison de ces jeunes, tout aussi difficile et sévère qu’il puisse être, est néanmoins l’occasion de les aider à réfléchir, de parler de leur comportement avec des adultes à leur écoute, afin de les aider à trouver et s’approprier la maturité qui leur fait défaut.