Récemment, la lutte pour l’égalité des hommes et des femmes a pris un tournant nouveau avec l’affaire Weinstein, du nom du producteur américain accusé de harcèlement, d’agressions sexuelles et de viols à partir de 2017. La parole des femmes a été libérée. S’est ensuivi le mouvement MeToo en 2018, puis en février dernier l’affaire de la ligue du LOL, où des journalistes et communicants parisiens ont été accusés de harcèlement par des collègues. Certes, un déchaînement de violences malsaines est apparu en même temps mais le tabou sur le corps des femmes et la manière dont les hommes les perçoivent a été déverrouillé.

En parallèle de révélations fracassantes, des associations et mouvements pour l’égalité entre les hommes et les femmes font un travail de fond. Ils pointent le manque de lois – ou le défaut d’application de ces lois – et prônent un changement de mentalités. Les exemples sont très nombreux, en particulier en France et dans les sociétés occidentales : les campagnes de sensibilisation afin que les étudiantes s’inscrivent dans les filières scientifiques, que les pères demandent un congé paternité et/ou parental, que les enfants portent le nom des deux parents, les demandes de suppression de la mention « mademoiselle » dans les documents administratifs, la gratuité des protections hygiéniques pour les femmes plus précaires, la féminisation des noms de rues, le développement des références aux grandes femmes qui ont fait l’histoire à l’école, la revendication de l’écriture inclusive et celle, phare, de l’égalité entre les salaires.

Le féminisme est souvent encore un gros mot

D’un autre côté, des hommes et des femmes freinent de manière consciente ou non cet accès à l’égalité. Le féminisme est souvent encore un gros mot. Comme dans les autres luttes, que ce soit pour les pauvres, les étrangers, les homosexuels ou les minorités, la majorité a peur de perdre ce qu’elle détient ou ce dont qu’elle pense être garante. L’éducation stéréotypée et la construction mentale ancrées dans notre société participent aussi à une évolution lente d’un changement de paradigme.

« Les hommes doivent comprendre qu’ils ont tout à gagner dans le féminisme »

Mais, si les femmes ont depuis longtemps pris la parole, comme Olympe de Gouges qui a rédigé en 1791 la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, les hommes aussi, comme le marquis de Condorcet au xviiie siècle, ont revendiqué l’égalité. Ces hommes et ces femmes ont sans doute compris qu’une société saine et épanouie est une société co-construite où l’égalité et la justice sont prédominantes. Pour Caroline Drayer, docteure en sciences sociales, chercheuse et enseignante à Genève : « Tout l’enjeu de mon travail consiste à montrer que le sexisme en tant que système constitue le socle de différents types de violences. » Le sociologue canadien Michael Kaufman affirme que « les hommes doivent comprendre qu’ils ont tout à gagner dans le féminisme1 ». Se fondant sur des études scientifiques, il explique que « les hommes plus impliqués dans les tâches de la maison et auprès de leurs enfants ont moins recours à la violence ».

L’égalité avec leurs conjointes les rend « plus épanouis, en meilleure santé, ils font l’amour plus souvent2 ». Le sociologue Raphaël Liogier souligne quant à lui que « ce n’est pas parce qu’on n’est pas coupable individuellement qu’on n’est pas responsable collectivement 3 » et invite les hommes à s’interroger sur leur système de pensée et leur pratique. Cependant, comme le dit Michael Kaufman : « Si les gens, hommes comme femmes, ont peur ou se sentent attaqués, ils sont réfractaires à ce que vous leur dites […] Mais quand on se sent accueilli avec bienveillance dans une discussion, alors on peut entendre, apprendre et penser. »