Par  le pasteur Brice Deymié, aumônier national des prisons, Fédération protestante de France.

Le gouvernement promet ainsi d’augmenter le nombre d’aumôniers musulmans pensant que leur rencontre est susceptible d’empêcher les extrémistes de passer à l’acte ou d’éviter la radicalisation dans les prisons. Cette attente de la solution miracle mérite quelques remarques.

Tout d’abord, dire que l’État va recruter des aumôniers musulmans est un contresens puisqu’en aucun cas ces aumôniers sont fonctionnaires ou même agents contractuels de la fonction publique comme le sont les aumôniers d’hôpitaux, voire les aumôniers militaires qui sont totalement intégrés à l’armée avec grade et solde correspondants. Chaque religion propose la nomination d’aumôniers à l’Administration pénitentiaire qui, après enquête, donne ou refuse l’agrément. Depuis des années, l’autorité religieuse musulmane a beaucoup de mal à recruter des aumôniers faute de candidats, de formation et d’avenir professionnel pour ceux qu’elle recruterait. L’état peut tout au plus augmenter le nombre de vacations qu’elle octroie au culte musulman sans aucune garantie que cette augmentation se traduira par le recrutement de nouveaux aumôniers.

Une racine biblique

Ensuite, l’aumônerie de prison s’inscrit dans la tradition biblique : « j’étais en prison et vous êtes venus me visiter (..) et dans la mesure où vous avez fait cela pour l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous l’avez fait » (Matthieu 25). À la suite de cette parole, des hommes et des femmes ont visité des prisonniers. Aucun pays musulman n’a aujourd’hui une institution comme l’aumônerie de prison. L’accompagnement des prisonniers ne résonne pas du tout de la même manière en théologie musulmane qu’en théologie chrétienne. L’institution musulmane dans les pays occidentaux s’est peu à peu familiarisée avec les principes de l’aumônerie et en a épousé les formes et les pratiques mais sans en avoir l’arrière fond historique et textuel. Il faudra donc du temps pour que cette tradition soit intégrée dans la théologie musulmane.

Un accompagnement

Les aumôniers chrétiens sont naturellement les plus nombreux en France. Jusqu’à peu la messe y était obligatoire et l’aumônier catholique, jusqu’en 1905, figurait parmi les personnages importants d’une prison. Vouloir aujourd’hui comparer le nombre d’aumôniers chrétiens avec le nombre d’aumôniers musulmans relèvent de l’anachronisme et du contresens historique. Les aumôniers sont pour partie des prêtres et des pasteurs et pour une bonne part des laïcs de nos paroisses. Ne faisons pas porter à l’aumônier plus qu’il ne peut et ne le rendons pas responsable des errements de quelques-uns et des faiblesses du système. L’aumônier est celui qui, jour après jour, va visiter les détenus pour les accompagner dans un chemin spirituel, pour les aider à vivre leur culpabilité et leur enfermement, pour donner à chacun le sens de la responsabilité devant Dieu et devant les hommes. Il ne peut pas palier à l’échec de la famille, de l’école et de la société. L’aumônier est un travailleur de l’ombre, un petit porteur d’espoir et son travail ne peut se mesurer en termes d’efficacité.

La fraternité plutôt que la comptabilité

Tous les aumôniers de toutes les religions ont leur place en prison. Créons des occasions de rencontres entre les différentes aumôneries pour faire mentir ceux, parmi les extrémistes de tous bords, qui voudraient nous voir nous disputer et nous opposer. Donnons, à ceux qui sont tentés par la haine, l’image d’une fraternité possible. Inventons des lieux de dialogue, créons une journée inter-religieuse dans les prisons, partageons nos fêtes…, mais cessons une bataille de chiffres sclérosante qui donne l’impression qu’il faut que chacun défende ou augmente son pré carré d’aumônerie.