Parmi ceux-ci, l’importance de la cohésion et du compromis, qui explique les interminables «sessions de négociation» pour décider des modalités d’adoption ou non d’une innovation. Une pratique qui pourrait bien nous inspirer si l’on veut mettre un peu plus de démocratie dans les nouvelles technologies.

Est-il possible à une société de ne pas accepter systématiquement toutes les innovations techniques ? De faire le choix de la non-croissance voire de la décroissance autrement que dans un contexte de crise ? À cette question, il arrive aux militants de la Décroissance de citer un exemple, sans en faire un modèle: les Amishs.

Le monde a découvert ces communautés issues de la réforme radicale protestante avec le film Witness en 1985 : Harisson Ford joue un détective privé qui – mis en danger par une enquête – doit se réfugier dans une famille amish. Ces communautés – principalement implantées en Ohio et en Pennsylvanie mais aussi au Canada – tentent de conserver le mode de vie du temps qui les a vu naître en Suisse alémanique sous la férule de Jacob Amman (d’où le sobriquet d’Amish) à la fin du 17e siècle. Un mode de vie symbolisé par le port toujours aujourd’hui des vêtements d’époque – chapeau, pantalon et gilet noir pour les hommes, tabliers sur de longues robes et fichus pour les femmes – l’usage des chevaux pour les travaux des champs, d’un buggy – carriole – pour se déplacer et la conservation du même dialecte qu’au 17e siècle. Les Amishs étaient 5000 aux États-Unis en 1900. Ils sont 180000 aujourd’hui, 70% des communautés sont nées après 1960 et ce sont les ordres les plus stricts dans le refus de la modernité – eux disent mondanité – qui ont la croissance la plus forte en nombre de membres.

L’existence des Amishs est intéressante à plus d’un titre: comment un groupe qui refuse les innovations fait-il pour – non seulement perdurer – mais se développer malgré l’accélération technologique dans le monde qui l’encercle ? En quoi cela constitue-t-il une critique de notre propre mode de vie, et notamment de nos notions de bonheur et liberté ? Ce refus des techniques peut-il perdurer sans une pression sociale très forte, pas forcément compatible avec les canons de la liberté individuelle du troisième millénaire? Plusieurs auteurs se sont penchés récemment sur ces questions (1). La lecture de leurs écrits et plusieurs échanges (2) m’ont permis de chercher la réponse à une autre question: comment est prise chez les Amishs la décision qui entraîne l’autorisation ou la prohibition d’une innovation technique? Certes, la particularité du […]