Les pouvoirs publics affichent volontiers leur engagement. Vu de la Maison des Femmes de Montreuil, association féministe pour les droits des femmes et contre les violences faites aux femmes, ouverte en 2000, le décalage est surtout flagrant avec la réalité vécue par les associations et… les femmes.

Roselyne Rollier, présidente de la Maison des femmes de Montreuil s’inquiète : « On ne sait pas comment on finit l’année». Un souci récurrent. Déjà au beau milieu de l’été dernier, des subventions importantes étaient menacées. Branle-bas de combat, coups de téléphone, alerte des uns et des autres. Pour finalement les sauver. Mais « sans arrêt, il faut chercher de l’argent». Les modes de financement semblent complètement décalés avec la réalité du fonctionnement associatif. Les pouvoirs publics ne financent que pour des actions précises, alors que les trois-quarts des dépenses correspondent au fonctionnement régulier : loyer, chauffage, salaires, etc. La région Ile-de-France soutient « l’innovation », ce qui veut dire dans la pratique, le lancement des nouvelles actions : mais quel argent une fois lancées ? Une partie des emplois aidés doivent obligatoirement être occupés par des personnes en situation de précarité. Or ces emplois consistent… à aider des femmes en situation de précarité.

Décalage avec la réalité

Décalés avec le fonctionnement associatif, les dispositifs de financement le sont aussi avec les réalités vécues par les femmes. Alors que la rue est particulièrement violente pour les femmes, le travail social des associations n’est ni pris en compte, ni financé. En hiver, «on nous dit que les femmes ne viennent pas dans les gymnases qui sont ouverts, raconte Roselyne Rollier. Et pour cause, les femmes à la rue sont… dans les lits des hommes qui les hébergent. On n’appellera pas ça de la prostitution… ». La précarité sociale des femmes est invisibilisée, faute de statistiques genrées que demandent les associations féministes où l’on distinguerait femmes et hommes. Sur un autre problème, celui des violences faites aux femmes, le décalage n’est pas moindre. La Maison des femmes est soutenue financièrement pour ses permanences d’accueil. L’association, suite à ses réflexions et analyses féministes a mis en place un parcours qui fait rencontrer les bonnes personnes au bon moment – par exemple des avocates qui viennent sur place. Mais ce qui permet que les permanences fonctionnent – nouer des partenariats, former les bénévoles, s’organiser… – n’est pas financé. « Nous sommes des inventeuses de solutions qui fonctionnent. Mais nous ne sommes ni reconnues, ni suffisamment subventionnées» regrette Roselyne Rollier.

Une deuxième violence

Dans le même temps, les dispositifs prévus par la loi, eux ne fonctionnent souvent pas. Si une femme va au commissariat en disant qu’elle ne peut pas rentrer chez elle car elle risque de subir des violences, la loi prévoit une « mise à l’abri»: un hébergement, de l’argent pour s’y rendre, un rendez-vous le lendemain matin chez une assistante sociale, et aux UMJ (unités médico légales avec accompagnement physique), etc. « Or la plupart du temps, elles sont renvoyées chez elle… Et bien souvent les plaintes ne sont pas prises… » témoigne la militante associative. De la même manière, 4 millions d’euros sont prévus pour des spots télé qui orientent vers le numéro d’urgence 3919… pour lequel seulement 150 000 euros sont prévus pour trois postes d’écoutantes… Ce décalage entre les discours publics et la réalité de la prise en charge «s’ajoute comme une deuxième violence à la première subie» dénonce-t-on à l’association. Même si l’association peut s’appuyer sur quelques soutiens insuffisants mais fidèles – la commune, le département… – pour Roselyne Rollier, c’est le sens même du travail associatif qui est posé : « Notre travail d’association devrait être de réfléchir à des sujets, de sensibiliser les femmes, faire des propositions, faire du lobbying pour que les pouvoirs publics les mettent en place… Nous nous retrouvons à le faire nous-mêmes, certes bien, nous savons que nous sauvons des vies, mais à peu de frais pour l’État… »

Et au risque de ne pas pouvoir indéfiniment continuer comme ça…