Après avoir montré dans le premier volet de son intervention à la journée sur Le sens de la peine qu’il n’y a pas de loi sans sanction et pas de sanction sans responsabilité et liberté de l’être humain, Bernard Piettre examine dans ce deuxième volet le sens de cette peine déterminée par la sanction. Pour lui, en évitant les deux écueils traditionnels que sont les volontés de vengeance et de purification, la peine, en plus d’être une compensation symbolique de la faute commise, doit, comme le dit Protagoras, être tournée vers « l’avenir », elle doit non pas « éliminer, écarter » mais « réintégrer le citoyen dans la cité ».

Qu’il paraisse légitime que ceux qui transgressent la loi soient sanctionnés ne me dit rien sur la nature de la peine qui précise la sanction. Quel rapport entre une sanction et une peine ?

2. Sanction et peine. Du sens de la peine.

Toute sanction pénale se traduit par une peine, d’une plus ou moins grande sévérité. Plus la faute est jugée grave, plus la sanction est signifiée par une peine lourde. La sanction dit la loi, la peine dit la sanction. De même que la sanction a un rôle symbolique relativement à la loi, la peine a un rôle symbolique relativement à la sanction.

Mais souvenons-nous que le terme peine comporte à la fois un sens juridique, à savoir celui de punition ou de châtiment (ainsi de poena en latin) et un sens psychologique, à savoir celui de souffrance. Or il est vrai que la peine en signifiant une sanction est nécessairement cause d’une souffrance. Les deux sens ne peuvent finalement pas être séparés dans la langue ; et même en latin tardif, poena signifie tourment et souffrance (chez Pline et Justinien, si j’en crois le dictionnaire Gaffiot). Toute sanction qui n’est pas un tant soit peu pénible, n’est pas une sanction. Il nous faut approfondir ce point et aborder aussi la peine au sens de souffrance.

Quand on subit une sanction (privation, amende, prison …), on a le sentiment pénible d’être démarqué, désolidarisé du groupe, mis au ban … ; on est reconnu comme fautif, comme coupable ; la peine est un tant soit peu humiliante. Nous sommes tous en désir de reconnaissance. […]