Les dernières fois où on a pu entrer dans les prisons avant le confinement, les détenus nous plaisantaient en disant qu’eux, ils étaient à l’abri … Le virus leur semblait assez lointain et le retournement a été d’autant plus brutal qu’ils ne se sont rendus compte de la situation qu’au dernier moment, quand on leur a annoncé la fin des parloirs. Il y a eu plusieurs débuts de mutineries mais ça n’a pas été aussi violent qu’en Italie, il n’y a pas eu de conséquence grave et la casse a été limitée, sauf à Uzerche (1). Pourtant, de la façon dont on leur a annoncé ça (avec cette brutalité administrative bien française), je m’étonne qu’il n’y ait pas eu plus d’incidents. On aurait dû faire de la pédagogie, on aurait pu préparer les détenus, leur parler en adultes plutôt que leur annoncer la chose brutalement. D’autant qu’on le sentait arriver puisque l’Italie avait supprimé les parloirs 15 jours avant nous. On veut qu’ils deviennent des citoyens responsables et on fait tout pour les infantiliser. Il faudrait plutôt accompagner les gens fraternellement.

Un confinement strict et des mesures pour alléger la pression

Aujourd’hui, les détenus ont peur. Au confinement intérieur habituel s’ajoute un confinement extérieur puisque depuis le 15 mars, aucune personne extérieure à la prison ne peut plus y entrer. L’absence de parloir est quelque chose de particulièrement douloureux à vivre. Pas seulement parce qu’ils ne peuvent plus voir leurs proches mais aussi parce que beaucoup de choses entrent habituellement par les parloirs (dont de la drogue, du cannabis …). Il n’y a plus d’ateliers, plus de travail. Les seules activités qui restent, ce sont les promenades quand une certaine distance peut être garantie entre les détenus, et la télévision qui est gratuite pour la durée du confinement. Mais la télévision, ce n’est pas l’idéal comme activité, surtout en ce moment où c’est très anxiogène.

La gratuité de la télévision fait partie des mesures destinées à alléger la pression, avec les 40 euros d’aide aux détenus les plus démunis et les 40 euros de crédit téléphonique (2). Les opérateurs téléphoniques privés auraient pu donner la gratuité pendant le confinement car les détenus paient plus cher que les particuliers à l’extérieur. Sur 190 établissements pénitentiaires, 77 ont des téléphones fixes en cellule, soit 3 000 cellules et quelque (30 à 40% du total) qui sont équipées. Quand il n’y a pas de téléphone dans la cellule, il faut utiliser les cabines téléphoniques qui sont dans les coursives et on ne donc peut appeler que pendant le temps de déplacement, soit 15 minutes de conversation au plus, ce qui est assez court. Beaucoup de […]