Face au «raidissement des débats» sur la laïcité en France, quelle peut être l’attitude, quel peut être l’apport des protestants qui l’ont en partie forgée? Présentant à l’automne 2020 les conférences du cours public de l’IPT-Montpellier de l’automne 2019 reprises dans le dossier du dernier numéro de Foi&Vie, Christophe Singer et Olivier Abel exposent d’abord ce qui selon eux a contribué à créer dans ce pays un «système conflictuel symétrique». Ils invitent ensuite à approcher la laïcité non comme «une militance prisonnière des polémiques actuelles» mais à la percevoir «comme phénomène en devenir» dont il s’agit de «montrer la pluralité, les ambiguïtés, les dynamismes, les contradictions, la solidité, les risques et les atouts».

La laïcité à la française est une histoire dont les seuils (1) marquent la construction d’une identité collective ambivalente. Compromis progressivement élaboré pour organiser le vivre ensemble dans une nation, certes plurielle et fortement sécularisée selon son autoreprésentation contemporaine (2), mais en même temps irriguée de manière largement inconsciente par son héritage catholique et fruit d’un processus multiséculaire de centralisation monarchique, la laïcité, c’est significatif, y est régulièrement revendiquée comme principe, voire valeur morale à vocation universelle.

C’est en particulier le cas en une période marquée par une violence aux motivations religieuses affichées et médiatisées, et qui suscite une compréhensible résistance. Celle-ci se manifeste entre autres par la réactivation, parfois virulente, d’une rhétorique laïque guerrière. Parmi les propositions de ce qu’il est convenu d’appeler la laïcité de combat, celles concernant la neutralisation religieuse de l’espace public sont en passe d’acquérir une acceptabilité sociale qui aurait été difficile dans […]