Dominique Bourg est professeur de l’Université de Lausanne, à la faculté des géosciences et de l’environnement.

Le développement durable est aujourd’hui un principe largement reconnu. Pourquoi l’estimez-vous insuffisant ?

Dominique Bourg : Les dégradations que nous infligeons au système Terre sont liées aux ressources (matières et énergie) que nous consommons. Le développement durable suppose que nous pouvons continuer de nous enrichir tout en consommant moins grâce aux techniques écologiques. C’est un échec, car la consommation de ressources croît au monde plus vite que le PIB depuis 2000. Ce à quoi s’ajoute l’accroissement de la démographie humaine qui met en péril la biodiversité.

Quelle solution proposez-vous ?

La seule solution consiste à consommer moins, et cela suppose de modifier notre comportement. C’est ici que l’écospiritualité intervient. Pour parvenir à nous satisfaire d’un standard matériel confortable mais plus réduit, il nous faut compenser le matériel par le spirituel. Si nous voulons réduire notre prétention extérieure, il nous faut augmenter notre prétention intérieure. Il s’agit d’apprendre à nous épanouir au-delà de la consommation matérielle, au travers de nos relations et de notre vie intérieure.

Vous en appelez à une conversion à la fois spirituelle, communautaire et écologique ?

La civilisation occidentale a négligé l’intériorité. Elle a pensé que l’on pouvait être heureux, se développer et s’émanciper au travers de la consommation matérielle. Ce créneau n’est plus tenable. Or, la connaissance des problèmes ne sera pas suffisante pour faire changer les choses. L’écospiritualité que nous appelons de nos voeux est plus qu’un simple militantisme, il s’agit d’une conversion intérieure qu’il est très difficile de susciter par des moyens politiques. Seule une conviction intime de sa raison d’être permettra cette mutation.

Lors de la votation du 25 septembre dernier, les Suisses ont montré qu’ils étaient peu disposés à réduire leur consommation. Cela leur fait-il peur ?

Réduire nos consommations ne nous conduira pas à nous éclairer à la lampe à huile. Il ne s’agit pas de revenir au néolithique. L’écospiritualité n’est pas non plus un appel à l’ascèse. Par contre, il s’agit de limiter notre surconsommation sur tous les plans : voitures, téléphones, écrans tactiles, etc. S’agit-il de redynamiser les communautés de vie locale ? Beaucoup d’écologistes nourrissent le fantasme d’un certain repli dans de petites communautés rurales autonomes échangeant peu avec l’extérieur. Or, les sociétés humaines ont toujours commercé. A la fin de l’âge du bronze, on échangeait huile, farine et vin. Mais aujourd’hui, nous avons atteint une sorte de folie. Même les biens les plus anodins ont fait deux fois le tour de la planète avant d’être achetés. Je ne vois pas pourquoi nous produisons nos framboises en Amérique latine. Certes, elles sont moins chères monétairement, mais pour la biosphère, elles sont très coûteuses.

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Edition Genève du mois de Décembre 2016 – Janvier 2017