Présentée fin février par le gouvernement, la loi pour « une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie » mécontente de nombreux acteurs de la solidarité.

Cette loi a été définitivement adoptée par l’Assemblée nationale le 1er août et promulguée le 10 septembre dernier. Elle mécontente beaucoup de gens, certains la trouvant laxiste et beaucoup d’autres en revanche inutile et liberticide. Pour l’analyse précise de ce texte, impossible à faire ici, on se reportera aux documents excellents publiés par des associations comme La Cimade ou le Gisti. Mais à quoi sert donc ce nouveau texte ?

Comme le rappelle le Conseil d’État dans son avis du 21 février 2018, ce projet de loi est le dix-septième texte important sur le sujet depuis 1980. Le Conseil souligne aussi la nécessité, « compte tenu des tensions et des passions qui traversent le pays » à ce sujet, « d’une approche documentée fondée sur un appareil statistique complet (…) afin d’entreprendre la nécessaire pédagogie » qui doit accompagner toute décision dans ce domaine. On en est loin, très loin !

Deux postulats erronés

Le Défenseur des droits soulignait, lui, quelques semaines après, que le projet reposait sur deux postulats erronés. Le premier, la France et plus largement l’Europe feraient face en matière d’immigration à une situation de crise, le second en distinguant les « vrais » demandeurs d’asile dignes d’intérêt et les migrants dits « économiques » qui n’auraient aucune raison de quitter leur pays pour l’Europe et la France en particulier. Ces remarques, comme celles du Conseil d’État, n’ont été que peu entendues.

En dehors de rares mesures protectrices, la loi aggrave l’arsenal déjà fourni de mesures pour empêcher l’entrée sur le territoire, en faciliter l’expulsion et y empêcher un retour, ce qui, comme le dit La Cimade, est une grave « chute de droits » pour toute personne migrante.

Ainsi, par exemple, si le raccourcissement des délais de traitement des dossiers est un objectif louable, la solution retenue consiste à réduire les délais de recours, à multiplier les procédures accélérées et à utiliser plus fréquemment la visioconférence dans des procédures judiciaires.

Ce qui est nécessaire et qui ne relève pas de la loi, c’est par exemple le renforcement des équipes de fonctionnaires dans les services des préfectures accueillant les étrangers. Cette loi crée aussi des particularités sur le territoire français, telle la nouvelle règle selon laquelle les enfants nés à Mayotte de parents sans titre de séjour, depuis au moins trois mois, ne pourront acquérir la nationalité française.

Rien pour les sans-papiers qui travaillent

Mais cette loi ne prévoit rien pour régulariser les personnes sans-papiers qui travaillent. Leur régularisation n’est en effet envisageable, au prix de conditions irréalistes, que dans le cadre d’une circulaire datant de novembre 2012, rédigée d’ailleurs pour répondre à une situation différente. Malgré la condamnation de la France, six fois au moins, par la Cour européenne des Droits de l’Homme pour avoir enfermé et maintenu des enfants en rétention, rien n’interdit une telle pratique ouverte par la loi de mars 2016.

Enfin, le 6 juillet dernier, le Conseil constitutionnel a confirmé le principe à valeur constitutionnelle de la fraternité dont il découle, celui de « la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ». La loi fait pourtant persister le délit de solidarité… Oui, cette nouvelle loi est inutile et ne permet pas d’aborder avec sérénité l’un des défis majeurs de notre pays dans les prochaines années.