Port-au-Prince, Haïti – David Métreau, journaliste pour l’hébdomadaire Réforme, dresse un portrait brutal d’Haïti, une nation accablée par une cascade de crises qu’il décrit comme un « cataclysme », terme utilisé dans un récent rapport des Nations Unies. Il brosse un tableau saisissant d’un pays en proie à la décadence institutionnelle, à l’insécurité omniprésente et aux bouleversements sociaux.

Haïti, un pays au passé historique de résistance et de résilience, se trouve aujourd’hui en proie à un désordre paralysant à la suite de l’assassinat de son président Jovenel Moïse en 2021. Un événement qui a exacerbé le vide de gouvernance existant. L’absence d’élections démocratiques depuis 2016 a paralysé l’appareil d’État, ce qui a permis à des gangs armés de prendre le contrôle d’environ 80 % de la capitale, Port-au-Prince, déstabilisant encore davantage cette nation fragile.

Haïti en état de « polycrise »

Le terme « polycrise » décrit bien la situation d’Haïti, résumant les multiples urgences qui se chevauchent. La crise institutionnelle a privé le gouvernement de sa fonctionnalité et de sa légitimité, ce qui a entraîné une augmentation de la violence et a favorisé la domination des gangs qui terrorisent la population. Parallèlement, le pays est aux prises avec une grave crise sociale, marquée par une pauvreté extrême et un accès inadéquat aux services de base, à laquelle s’ajoute une crise sanitaire imminente due à la pénurie de fournitures médicales et à un risque accru de famine.

La crise en Haïti reflète le désengagement de la communauté internationale 

David Métreau jette également un regard critique sur le rôle de la communauté internationale, en particulier de la France, qui, selon lui, a historiquement négligé sa responsabilité à l’égard d’Haïti. Cet abandon a permis à des problèmes systémiques de s’envenimer, laissant la nation mal équipée pour faire face à l’ensemble des défis auxquels elle est confrontée. Il souligne que la situation en Haïti n’est pas le fruit d’une chute brutale, mais plutôt l’aboutissement d’années de négligence et de désengagement de la communauté internationale.


La résilience des communautés chrétiennes face à la crise

Au milieu de ces défis écrasants, un récit d’espoir et de solidarité émerge, principalement mené par les communautés chrétiennes d’Haïti. Ces groupes sont devenus des acteurs essentiels du soutien et du maintien de l’ordre, comblant souvent le vide laissé par l’État. Les initiatives vont de l’organisation de patrouilles de sécurité locales à la fourniture d’abris et de produits de première nécessité aux personnes déplacées. Ces efforts mettent en lumière un aspect important de la société haïtienne : un désir persistant de favoriser la cohésion de la communauté et le soutien mutuel en temps de crise.

La résilience du peuple haïtien, illustrée par les actions proactives de ses chefs religieux et de ses communautés, offre une lueur d’espoir. Leur détermination à maintenir le tissu social, malgré le chaos, souligne une aspiration collective à surmonter l’adversité et à reconstruire une nation plus stable et plus prospère.

Alors qu’Haïti fait face à ces circonstances désastreuses, la nécessité d’une réponse internationale coordonnée devient de plus en plus évidente. Ce soutien doit aller au-delà de l’aide à court terme et s’attaquer aux problèmes structurels sous-jacents qui perpétuent les cycles de crise et d’instabilité. L’avenir d’Haïti dépend d’un effort solide et soutenu pour restaurer sa souveraineté et sa dignité, en veillant à ce que la nation puisse sortir de cette période de turbulences vers un avenir plus sûr et plus équitable.


Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : David Métreau
Entretien : Jean-Luc Mouton
Technique : Quentin Sondag