Une haine du juif qui semble se poursuivre à travers le temps et l’histoire. Dans ce contexte dramatique les textes des Psaumes prennent toute leur force spirituelle.

Jean-Luc Mouton : Ruben Honigmann, bonjour, vous êtes le directeur éditorial du site Akadem qui est un site numérique juif. Comment avez-vous vécu l’attaque terroriste du Hamas, le 7 octobre 2023 ? Qu’est-ce que vous avez ressenti ? Comment ça s’est passé pour vous ?

Ruben Honigmann : Alors je voulais vous remercier parce que je suis très touché par cette invitation.
Vous m’avez dit tout de suite au téléphone, c’est aussi une marque de solidarité et c’est une chose dont beaucoup de Juifs souffrent ces derniers jours. C’est l’absence de solidarité et de mots de compassion. Et donc chaque mot compte. Le sentiment de solitude c’est quelque chose de régulier qui revient souvent donc je suis très touché par cette attention.

Comment j’ai vécu la chose ? Vous l’avez dit, moi je suis juif pratiquant. Ça veut dire qu’à shabbat, par exemple, on utilise pas nos téléphones, ils sont éteints. En plus nous avions 6 jours de fête. Cette année c’était le combo le 7 et le 8 octobre, c’était shabbat, puis jours de fête. C’était les ultimes jours de Souccot. Moi pendant ces 48h là, j’étais complètement, comme des milliers de Juifs pratiquants orthodoxes, coupé de médias, de réseaux sociaux.

Le dimanche vers 15h, j’ai rencontré une personne à la synagogue qui avait entendu par quelqu’un d’autre, qui avait lui regardé la télévision qu’il s’était passé des choses épouvantables en Israël, donc ça m’a évidemment perturbé. Mais c’était un genre de joie, c’était le jour de Sim’hat Torah. C’est le jour où on boucle le jour de la lecture annuelle de la Torah et on revient à la Genèse, au tout début de la création du monde. Avec Pourim c’est l’un des deux grands jours de joie de l’année. Tous les enfants reçoivent des bonbons. Donc c’est vraiment un jour de joie pour moi. J’ai appris cette nouvelle oralement et j’étais avec mes enfants et ma femme et je ne voulais pas détruire cette joie. En fait, je ne voulais pas me laisser envahir par ça.

Mon premier réflexe, ça aurait été d’aller allumer mon téléphone. Il était autour de 14h quand j’ai appris la nouvelle et j’ai attendu la nuit, parce que la fête finit avec la nuit, et à la nuit j’ai couché mes enfants et après j’ai allumé mon téléphone et là j’ai pris le déluge d’informations, d’horreur, d’atrocité, en pleine tête, comme tout le monde. Là, je suis redevenu comme tout le monde. D’une certaine manière, je me réjouis que dans le judaïsme, par le shabbat, par cette sortie de la violence de l’histoire justement, il y a quelque chose qui permet d’être à l’abri d’une certaine manière. C’est pas une négation de la violence. Bien sûr qu’il faut s’informer sur ce qui se passe. Mais on n’est pas obligé de se faire dévorer par ça. Et ensuite je me suis fait dévorer comme tout le monde.

Maintenant, avec toutes les connaissances juives que je connais quand on se dit ça va ? On dit eh bien comme tout le monde je dors plus la nuit. On est très angoissé par les amis, les proches qu’on a en Israël. Alors ce qui est marrant c’est que les amis et les proches en Israël quand on les questionne on croit toujours que c’est pire en Israël et eux, ils croient toujours que c’est pire en diaspora. Il y a un jeu de ping-pong qui est assez rigolo. Et qui dit quelque chose de la condition juive aussi […]

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Entretien mené par : Jean-Luc Mouton
Réalisation : Anne-Valérie Gaillard
Intervenant : Ruben Honigmann