Pour un développement éthique de l’IA en Afrique

En février 2020, alors que les implications éthiques de l’intelligence artificielle (IA) suscitent de plus en plus d’inquiétudes au niveau mondial, une initiative a été lancée : l’Observatoire euro-africain de l’intelligence artificielle. Cette institution vise à servir de plateforme pour l’exploration et le développement collaboratifs des technologies de l’IA, en mettant l’accent sur le respect et l’intégration des divers contextes culturels et environnementaux de l’Afrique et de l’Europe.

Relever les défis propres à l’Afrique grâce à l’IA

L’Afrique présente un paysage riche en opportunités pour les solutions d’IA. Le continent représente 60 % des terres arables du monde, mais il est confronté à de nombreux défis agricoles que la technologie de l’IA pourrait contribuer à atténuer. En outre, les riches ressources minérales de l’Afrique, en particulier dans des régions comme le Congo, ne sont souvent pas exploitées efficacement en raison de divers problèmes socio-économiques, notamment l’insuffisance du soutien technologique et de l’infrastructure. L’Observatoire euro-africain cherche à tirer parti de ces opportunités, en utilisant l’IA pour améliorer la productivité agricole et la gestion des ressources minérales.

Trois piliers de l’Observatoire

L’approche de l’Observatoire s’articule autour de trois piliers principaux : la recherche, l’éducation et le soutien aux startups. Chacun de ces piliers joue un rôle crucial dans l’objectif global de favoriser un environnement d’IA éthique :

En associant les connaissances traditionnelles africaines aux méthodes scientifiques occidentales, l’Observatoire vise à encourager une recherche innovante en matière d’IA qui soit à la fois pertinente au niveau local et compétitive au niveau mondial. Il s’agit notamment de développer des applications d’IA spécifiquement conçues pour répondre aux besoins locaux et capables de fonctionner efficacement dans le contexte africain.

Des conférences et des ateliers sont régulièrement organisés pour éduquer et sensibiliser les parties prenantes aux défis éthiques et aux impacts potentiels de l’IA. Ces événements sont essentiels à la constitution d’une communauté bien informée, capable de s’engager efficacement dans les technologies de l’IA d’une manière éthique.

Reconnaissant l’essor des startups technologiques en Afrique, l’Observatoire fournit un soutien à ces entreprises émergentes. Ce soutien n’est pas seulement financier mais aussi consultatif, afin de s’assurer que ces startups intègrent dès le départ des considérations éthiques dans leurs modèles d’affaires et leurs applications de l’IA.

Souveraineté des données et protection des talents locaux

Le contrôle et le stockage des données africaines constituent une préoccupation majeure soulignée par l’Observatoire. Étant donné que 70 % des données du continent sont actuellement stockées en dehors de ses frontières, il est urgent de créer des centres de données locaux capables de garantir la souveraineté et la sécurité des données. De tels centres permettraient aux pays africains de garder le contrôle de leurs propres informations, renforçant ainsi leur indépendance technologique et leur sécurité.
En outre, l’Observatoire plaide en faveur de la protection et du développement des talents locaux par le biais de programmes éducatifs et d’un soutien financier aux entreprises en phase de démarrage. Ces mesures sont considérées comme essentielles pour favoriser la création d’un écosystème d’IA autonome, capable de fonctionner indépendamment des influences extérieures.

Lutter contre le néocolonialisme dans l’IA

Le risque de néocolonialisme – lorsque des géants étrangers de la technologie dominent le paysage local de l’IA – est une préoccupation importante. L’Observatoire souligne que de nombreux Africains impliqués dans l’étiquetage des données pour les systèmes d’IA sont sous-payés et sous-évalués. Pour y remédier, il appelle à un meilleur soutien organisationnel pour ces travailleurs, y compris la formation de syndicats pour négocier des salaires et des conditions de travail plus équitables.

Établir un récit panafricain sur l’IA

L’Observatoire euro-africain souligne la nécessité d’un discours panafricain sur l’IA qui soit en phase avec les réalités et les aspirations locales. Un tel récit remettrait en question les discours dominants sur l’IA façonnés par les grandes puissances comme les États-Unis et la Chine, et proposerait au contraire une vision ancrée dans les besoins et les valeurs de l’Afrique.

Alors que l’IA continue d’évoluer, des initiatives telles que l’Observatoire euro-africain de l’intelligence artificielle sont essentielles pour garantir que la technologie progresse d’une manière bénéfique et respectueuse pour toutes les communautés concernées. Le travail de l’Observatoire est une étape pionnière vers un avenir où l’IA devrait se développer de manière plus équitable et éthique.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Réalisation : Anne-Valérie Gaillard
Intervenant : Ezekiel Kwetchi Takam