Un éditorial de Jean-Marie de Bourqueney, directeur de Réforme.
La colère et la solidarité
« Si j’étais un Ukrainien, je serais probablement très en colère, voire avec une rage folle, une haine pour les nombreux qui m’ont envahi, qui envahissent mon pays. Sauf que moi, je suis français et je suis en dehors des conflits majeurs, même si je suis solidaire comme tous les Français, comme tous les Occidentaux, comme tous les Européens de ce peuple ukrainien meurtri. Je serais en colère, mais il faut parfois aussi accepter nos colères, éventuellement même Noël ou en tout cas nos prévisions.
En ce moment, il y a une loi de programmation militaire qui est débattue pour savoir comment nous allons nous adapter au conflit de demain, puisque l’on voit que le monde a complètement changé. Il y a 40 ans, 50 ans, c’était la guerre froide. Après, il y a eu les guerres dites propres, technologiques, il y a eu la guerre contre le terrorisme, il y a eu d’autres formes, il y aura d’autres formes de guerre encore. Il nous faut prévoir, prévoir pour se protéger et pour protéger les autres. »
La complexité de la guerre pour les chrétiens
« C’est vrai que c’est difficile parce que pour nous, chrétiens, nous avons cette injonction : tu ne tueras point. Certaines églises font effectivement, comme les mennonites par exemple, le choix du pacifisme et donc de ne pas prendre les armes, y compris en Ukraine. D’ailleurs, ils comprennent et c’est un choix très difficile en conscience. Mais nous avons aussi à prévoir de protéger.
Est-ce que la dimension est nouvelle ? En fait, même la Bible en parle. La Bible, on dit souvent à tort d’ailleurs, que l’Ancien Testament est plutôt violent, que le Nouveau Testament serait uniquement pacifique. Non, il y a les deux dans les deux, si je peux dire. Et en tout cas, dans l’Ancien Testament, il y a des textes qui effectivement appellent à une certaine forme de violence, voire même qui appellent directement à une violence. Alors pourquoi ? Je reprends ici la thèse de Thomas Romer, professeur au Collège de France, qui nous explique très bien qu’au fond, ces textes sont de la dissuasion. »
La dissuasion et la fraternité
« Ce sont de la dissuasion, non pas par des statues puisqu’il n’y a pas tellement de représentations dans le peuple d’Israël, mais par des textes. Si vous nous attaquez, voilà ce qui risque de vous arriver. Et cette dissuasion, c’est faire peur. Alors on peut se dire, mais faire peur à l’autre, en même temps c’est humain. Il y a, en tout cas derrière tous ces textes, dans cette volonté de dissuasion, une volonté positive de construire une fraternité humaine.
Il s’agit de prévoir une fraternité. La première mythologie, Caïn et Abel, a mal terminé, et bien d’autres fraternités terminent mal. Mais de prévoir cela pour éviter le meurtre de Caïn vis-à-vis d’Abel. Donc, je crois qu’il y a dans cette loi de programmation militaire et dans notre réflexion éthique, théologique, spirituelle, une vraie volonté de construction. Vous pouvez retrouver cela et bien d’autres informations, bien sûr, sur reforme.net. »