L’évangile du dimanche 12 mai

Jean 17.11-19 – Prière de Jésus pour ses disciples

Introduction

Après avoir résumé son Évangile dans son testament, Jésus a une dernière chose à faire pour ses disciples avant de les quitter : il prie pour eux. Il mesure les dangers et les difficultés qu’ils vont affronter. Il connaît les faiblesses de ses disciples, il sait que l’un va trahir et que le premier parmi eux va renier, mais il prie quand même.

Sa prière est plus qu’une prière, c’est aussi un traité d’une belle facture théologique sur la situation de l’Église dans le monde.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Qu’ils soient uns

Ce verset est souvent cité dans les groupes œcuméniques, mais le texte dit qu’ils soient uns comme nous, comme le fils et le père. L’unité dont il est question ici peut être entendue comme une unité entre les disciples, mais aussi comme l’unité interne à chacun. Jésus prie pour que ses disciples soient unifiés, qu’ils réalisent l’unité entre leur foi, leur pensée, leurs paroles, leurs désirs et leurs actions. Dans cette perspective, le contraire de l’unité n’est pas la diversité, mais l’éclatement. Jésus prie pour l’unification personnelle de ses disciples.

Je les ai préservés et aucun d’eux ne s’est perdu

Cette phrase sera reprise au moment de l’arrestation de Jésus lorsque ce dernier ira au-devant de ceux qui le cherchaient et demandera à Pierre de ranger son épée lorsqu’il a voulu le défendre.

La première conséquence de la non-violence de Jésus au moment de son arrestation est que ses disciples n’ont pas été inquiétés. S’il s’était défendu, ceux qui auraient combattu à ses côtés auraient connu le même sort que lui.

Jésus s’est livré pour ses disciples au sens premier du terme.

Pistes d’actualisation

1er thème : Dans le monde sans être du monde

À trois versets d’intervalle, Jésus dit de ses disciples qu’ils sont dans le monde (v.11) et qu’ils ne sont pas du monde (v.14). La tension entre ces deux expressions est le défi de la foi chrétienne : Comment être totalement dans le monde tout en conservant notre différence par rapport au monde du fait de notre foi.

Le philosophe Gustave Thibon a évoqué cette tension en disant : « Face aux incroyants, cultiver tout ce qui nous unit, mais ne jamais renoncer à ce qui nous distingue ; sinon, l’union extérieure se fera aux dépens de notre propre cohésion interne… le chrétien est à la fois le plus distinct et le moins séparé de tous les hommes. » Être dans le monde, le moins séparé de tous les hommes, sans être du monde, en restant le plus distinct.

2e thème : Jésus annonce à ses disciples qu’ils seront détestés

Les disciples porteront une parole de paix, d’amour, de guérison et de réconciliation, et pourtant… ils seront détestés car ils seront différents.

Le professeur Henri Baruk, qui a dirigé pendant des années l’hôpital psychiatrique de Charenton, a travaillé sur l’origine de la haine à partir de ses observations cliniques. Sa conclusion est « que les haines humaines étaient provoquées par la conscience morale refoulée et accusatrice. L’homme qui viole le droit se sent accusé intérieurement et réagit en accusant les autres, d’où la haine inextinguible. » Par leur simple différence, les disciples seront les révélateurs des logiques mortifères de leur monde.

Cette remarque nous pose une question. Si par hasard nous ne sommes pas détestés, est-ce parce que nous vivons dans un monde converti à l’évangile, ou parce que nous avons édulcoré notre témoignage ?

3e thème : Les disciples sont consacrés par la vérité

Consacre-les par la vérité. La consécration évoque la séparation, les disciples sont différents par leur rapport à la vérité. Ce verset nous rappelle celui dans lequel Jésus qu’il était le chemin, la vérité et la vie. La vérité de l’évangile est à la fois un chemin et une vie. Les disciples sont appelés à cheminer dans leur foi, à ne pas rester statiques, bloqués, et ils sont appelés à avoir une foi vivante, qui soit porteuse de vie.

La vraie consécration consiste à être dans le monde sans être du monde, à être toujours en chemin et à être porteur de vie.

Une illustration

La semaine dernière, nous avons entendu que Jésus appelait ses disciples pour que leur joie soit complète, ici Jésus déclare dans deux versets qui se suivent que ses disciples auront en eux une joie complète et qu’ils seront détestés. Peut-on être joyeux quand on est détesté ? C’est le paradoxe de ce texte. Comme il y a des choses qui ne s’expliquent pas, mais qui se racontent, nous avons une illustration de cette contradiction dans le livre des Actes.

À Philippes, Paul et Silas ont été dénoncés aux pouvoirs publics comme agitateurs. Le texte dit qu’ils ont été roués de coups et jetés en prison. Dénoncés, frappés, emprisonnés, que font Paul et Silas. Ils auraient de bonnes raisons de se plaindre, mais le texte dit qu’ils priaient et chantaient des louanges (16.25). Leur joie était si complète qu’elle a fait tomber les murs de leur prison.

L’épître du dimanche 12 mai

1 Jn 4.11-16 – Personne n’a jamais vu Dieu

Le contexte – Où trouver Dieu ?

La première épître de Jean s’adresse à une Église menacée par des gnostiques qui proclament que Dieu se révèle à ceux qui ont une connaissance particulière.

Pour contrer les envolées spirituelles de ses contradicteurs l’auteur de l’épître ramène ses auditeurs à une affirmation de base : Dieu ne se découvre à l’issue d’une initiation, il vient à la rencontre des disciples quand ils vivent l’amour des uns pour les autres : « Celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. »

Que dit le texte ? – Dieu est amour

Notre passage est encadré par deux affirmations qui se répondent : « Personne n’a jamais vu Dieu », et : « Dieu est amour ».

La première affirmation coupe court à toutes les spéculations sur Dieu et ses attributs qui sont illusoires car si Dieu est, par définition il est au-delà de ce que nous pouvons imaginer. 

Si on ne peut voir Dieu, comment le connaître ? L’auteur de l’épître répond que c’est en s’aimant les uns les autres que Dieu demeure en nous. La foi n’est pas une question de vue, mais de vie. 

C’est en aimant son prochain que l’on reçoit l’Esprit de Dieu qui nous conduit dans la vérité. Nous retrouvons le message de la parabole du jugement dernier qui dit que le Christ est présent dans l’affamé qui est nourri, le malade qui est visité, l’étranger qui est accueilli.

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – L’amour comme résistance

Dans sa prière, Jésus prépare ses disciples à affronter des temps difficiles où ils seront détestés par le monde car ils ne sont pas du monde. La réponse que les disciples doivent apporter à la haine est celle de l’amour. L’amour des uns pour les autres, mais aussi l’amour pour le monde car Jésus est le sauveur du monde.

Le message central de l’Évangile est que Dieu n’a pas traité ses ennemis en les massacrant, mais en les aimant et en mourant pour eux. 

La logique de l’amour est en opposition radicale avec celle du monde, mais c’est la seule réponse que le disciple doit incarner s’il veut être fidèle à son maître. 

Il n’y a qu’une façon pour être sûr d’être dans l’évangile, c’est d’aimer notre prochain. 

Le livre des Actes du dimanche 12 mai

Ac 1.15-26 – L’Église s’organise

Le contexte – Après l’Ascension

Le livre de Actes des Apôtres commence avec le récit de l’Ascension qui est l’articulation du ministère du Christ et de celui de l’Église. Se retrouvant seuls avec un ordre de mission (Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et en Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre) les apôtres s’organisent. 

La première Église est encore toute petite – le texte parle de cent vingt personnes – néanmoins la première urgence pour les apôtres est de reconstituer le groupe de Douze en remplaçant Judas qui s’est donné la mort après sa trahison. 

Que dit le texte ? – Le choix de Matthias

Notre texte pose une énigme : pourquoi Luc a-t-il rapporté cet épisode alors que ce ne sont pas les Douze qui accompliront la mission de répandre l’Évangile hors de Jérusalem mais essentiellement Paul, Barnabé et Silas ; et ce n’est pas non plus un des Douze qui dirigera l’Église de Jérusalem car très vite Pierre sera remplacé par Jacques, appelé par Paul le frère du Seigneur (Ga 1.19) ? Dans la même veine, il faut relever qu’aucun livre du Nouveau Testament ne fera plus mention de Matthias. 

Nous pouvons relever que ce récit se situe avant l’envoi de l’Esprit à la Pentecôte, ce qui suggère une opposition entre la logique des hommes qui cherchent à s’organiser et celle de l’Esprit qui prend un malin plaisir à passer à côté des organisations humaines pour souffler où il veut et envoyer qui il veut.

Si ce récit a un message à adresser à l’Église, c’est de se préoccuper un peu moins de son organisation interne et un peu plus de ce que l’Esprit dit à notre temps et à notre monde.

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Écouter la prière de Jésus

Dans la prière de Jésus, nous pouvons relever deux points qui font écho à notre récit.

Le premier est celui dans lequel Jésus déclare à propos de ses disciples qu’ils sont dans le monde sans être du monde. On peut se demander si le choix de reconstituer le groupe des Douze ne relève pas de la logique du monde plutôt que celle du Christ. Parce qu’elle est dans le monde, l’Église doit avoir une organisation, mais parce qu’elle n’est pas du monde elle doit toujours veiller à ce que son organisation reste ouverte et disponible au souffle de Dieu.

Le second est l’annonce que les disciples sont détestés parce qu’ils ne sont pas du monde. Jésus les prépare à affronter l’hostilité du monde, à l’image de leur maître. Le choix de Matthias peut être lu comme un acte de résistance pour maintenir la cohésion des apôtres malgré la trahison de Judas et pour se préparer à durer dans le temps. Dans les heures difficiles qu’ils vont traverser, les apôtres auront besoin de s’appuyer les uns sur les autres. 

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenants : Antoine Nouis, Florence Taubmann