Dans les Béatitudes, Jésus affirme : « Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés ». Cette parole puissante s’inscrit dans une longue tradition biblique, celle d’un Dieu attentif aux victimes de l’injustice, depuis l’Exode jusqu’aux prophètes. L’idée est claire : Dieu prend le parti de ceux que le monde oublie, il écoute la voix des sans-voix et les libère.

Mais Jésus ne s’arrête pas à cette justice sociale basique. Très vite, dans le Sermon sur la montagne, il en élargit radicalement le sens : il appelle à une justice qui dépasse celle des pharisiens, une justice intérieure, exigeante, active. Il ne s’agit plus simplement de réclamer justice, mais de devenir soi-même acteur d’une société plus juste. Et cela commence par un principe simple : « Ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux ». Non pas une justice qui rend coup pour coup, mais une justice fondée sur la réciprocité, la justesse des relations humaines.

Cette justice-là n’est pas qu’un cadre légal ou un jugement rendu. Elle est aspiration, rêve d’un monde où les relations sont réparées, ajustées, harmonieuses. C’est une justice qui va jusqu’au pardon. Non pas un pardon imposé ou précipité, mais un chemin parfois long, lent, nécessaire. Le rêve, c’est de ne plus avoir besoin de procès, de réparation, mais de vivre dans un monde où les conflits peuvent être dépassés, même avec ceux qui nous sont hostiles. Jésus invite à aimer ses ennemis non par naïveté, mais parce que le vrai rêve, celui qui « rassasie », c’est de construire du lien là où il y avait rupture.

La justice humaine fait ce qu’elle peut, elle garantit un minimum vital pour la vie en société. Mais la justice évangélique, elle, pousse plus loin : elle espère une transformation intérieure et collective, où chacun reconnaît sa propre faiblesse, où chacun pardonne, où chacun espère pour l’autre ce qu’il espère pour lui-même. Une justice difficile, exigeante, presque inaccessible, mais profondément nourrissante.

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Entretien mené par : Jean-Luc Mouton
Réalisation : Anne-Valérie Gaillard
Intervenant : Frédéric de Coninck