10.04.2022 : Luc 19.28-40 – Les rameaux chez Luc

L’ambiguïté de la foule

Introduction

Jésus arrive au terme de son voyage qui le conduit de la Galilée à Jérusalem. Cette montée est marquée par l’ambiguïté puisque chaque fois que Jésus parlera de sa passion, les disciples n’entendent pas ce qu’il dit. Après la première annonce de la passion, les disciples sont incapables de comprendre le sens de la Transfiguration en proposant de dresser trois tentes. Après la deuxième annonce, le texte dit : Les disciples ne comprenaient pas cette parole ; elle était voilée pour eux (Lc 9.45). Et après la troisième annonce, ils ne sont pas plus avancés : Ils n’y comprirent rien ; le sens de cette parole leur restait caché ; ils ne savaient pas ce que cela voulait dire (Lc 18.34).

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Titre : Les vêtements

Les disciples ont jeté leurs vêtements sur l’âne et la foule étend ses vêtements sur le chemin. Dans la Bible, le vêtement est un signe d’identité, il dit qui on est. Quand le fils prodigue retrouve son père, il est revêtu de la plus belle robe et Paul qui nous appelle à revêtir le Christ au baptême.

En déposant leurs vêtements aux pieds de Jésus, la foule des disciples le désigne comme roi. Dans quelques jours, c’est lui le roi qui sera dévêtu, mis à nu, pour être crucifié.

Titre : La foule et les miracles

Dans la séquence qui précède, Jésus avait dit à ses disciples que celui qui voulait venir à sa suite devait se charger de sa croix et le suivre (9.23), pourtant la foule ne loue pas Dieu pour la croix, mais pour tous les miracles qu’ils avaient vus.

Jésus arrive à Jérusalem pour être crucifié – il l’a annoncé à trois reprises – et la foule est enthousiaste à cause de ses miracles, nous sommes en plein quiproquo. Un des thèmes qui parcourt l’évangile et l’ambiguïté du rapport de Jésus à la foule qui suit Jésus souvent pour de mauvaises raisons.

Pistes d’actualisation

1er thème : Image messianique

La moitié du texte est occupée par un détail purement anecdotique, la façon dont les disciples sont allés chercher l’ânon que Jésus a chevauché dans son arrivée à Jérusalem. Cette insistance attire notre attention sur l’importance de l’ânon. Jésus n’est pas monté sur ânon par défaut – parce qu’il n’avait pas d’âne ou de cheval à sa disposition – mais pour poser un signe, celui d’un roi humble qui accomplit la prophétie de Zacharie : Il est là, ton roi, il vient à toi ; il est juste et victorieux, il est pauvre et monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse (Za 9.9).

Le signe de l’ânon est en cohérence avec un évangile dans lequel les premiers sont les derniers, les grands sont les petits, les maîtres sont les serviteurs et c’est celui qui est rejeté qui est la pierre angulaire de tout l’édifice.

2e thème : Les pharisiens qui rabrouent Jésus

La singularité du récit des Rameaux chez Luc se trouve dans les derniers versets lorsque les pharisiens demandent à Jésus de rabrouer ses disciples.

Qui sont ces pharisiens ? Soit des tenants du pouvoir religieux qui ont peur des réactions de la foule, mais plus probablement des sympathisants de Jésus. À la différence de la foule qui est éblouie par les miracles, ils sont lucides, ils refusent de se laisser griser par l’enthousiasme de la foule. On peut imaginer qu’ils ont entendu la parole de la croix, et qu’ils savent que le triomphe de Jésus ne va pas se passer comme prévu

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Dans les évangiles l’attitude de deux pharisiens, Nicodème qui va trouver Jésus de nuit (Jn 3.2) et Joseph d’Arimathée qui était disciple de Jésus, mais en secret, par crainte des Juifs (Jn 19.38), fait pencher vers la deuxième hypothèse.

3e thème : Gloire à Dieu

Jésus répond aux pharisiens que si les disciples se taisent, les pierres crieront.

Jésus déclare qu’en le proclamant roi, la foule a raison, même si ce n’est pas comme elle le pense. Il sait qu’il avance vers sa passion, alors il profite de ce petit moment de gloire avant la grande épreuve. Comme un vrai sage, il profite du moment présent.

Une autre lecture s’interroge sur le cri des pierres ? Dans le passage qui suit, Jésus annonce la destruction de Jérusalem : Ils t’écraseront, toi et tes enfants au milieu de toi, et ils ne laisseront pas en toi pierre sur pierre (Lc 19.44). À la lumière de ce verset, le cri des pierres est un cri de lamentation qui préfigure la croix.

Une illustration : Quelque chose de la résurrection

Lorsque les religieux demandent à Jésus de faire taire ses disciples, ce dernier répond : S’ils se taisent, les pierres crieront. Rien ni personne ne peut arrêter l’inépuisable force d’un évangile qui se révèle dans le signe d’un roi qui chevauche un ânon. La théologienne Marion Muller-Colard a écrit à ce sujet : « Jésus dit ici la nécessité de l‘Évangile. Il annonce dans cette ellipse quelque chose de la Résurrection : sa Parole est un geyser que rien ne couvrira. La joie de ceux qui l’ont entendue donne une liberté que rien ne contiendra. Faites-les taire, les pierres crieront. Tuez-le, il demeurera. »

Pour aller plus loin :
Le pasteur Antoine Nouis reçoit Christine Pedotti, écrivain, journaliste et directrice de la rédaction de Témoignage Chrétien, pour discuter de Luc 15, 1-3 et 11-35 : https://campusprotestant.com/video/jesus-arrive-a-jerusalem-sur-un-anon/

Production : Fondation Bersier
Intervenant : Antoine Nouis