26.02.2023 : Mt 4.1-11 – L’épreuve de Jésus

Le programme de l’Évangile

Introduction

Ces derniers dimanches, nous avons médité l’enseignement de Jésus sur la vie chrétienne dans le sermon sur la montagne. En ce premier dimanche du Carême, nous revenons au tout commencement de son ministère. Son premier acte public a été son baptême au cours duquel une voix a retenti qui disait : Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; c’est en lui que j’ai pris plaisir. Notre texte se situe juste après et commence par l’adverbe alors qui fait le lien entre les deux récits. Au baptême, Jésus a été reconnu comme Fils bien-aimé, ce passage évoque la façon dont il est appelé à vivre cette vocation de Fils.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Baptême, jeûne et désert

Lors de son baptême, Jésus a reçu une parole d’adoption. Il pourrait profiter de la bénédiction reçue et entrer dans une sorte de quiétude spirituelle, mais ce n’est à ça qu’il a été appelé, c’est pour cela que l’Esprit le conduit dans une période de jeûne. Au désert, il va mener le combat pour le conduire à habiter ce qu’il a reçu et à ne pas se tromper d’évangile. Il n’a pas été béni pour jouir de sa bénédiction, mais pour être au service d’une parole qui n’est pas orienté vers sa propre personne, mais pour élever ceux vers qui il est envoyé.

Un récit programmatique

Situé au commencement de son ministère public, ce récit prend une dimension programmatique. Il fait peut-être référence à un événement particulier, mais le conflit entre celui qui est appelé le diable et Jésus sur la nature de son ministère parcourt tout l’évangile. C’est tout au long de son ministère qu’il devra combattre pour résister à la tentation de la richesse, de la séduction religieuse et du pouvoir.

Pistes d’actualisation

1er thème : La tentation du pain

Jésus a faim et face à sa faim, le diable lui propose de transformer les pierres en pain. En d’autres temps, Jésus transformera les pains en pain pour nourrir une foule qui a aussi faim. Il est légitime de satisfaire la faim de son prochain, mais qui sait si le Seigneur ne veut pas que nous cultivions notre faim ?

La démarche spirituelle ne réside pas dans l’assouvissement de tous nos désirs, elle nous invite à cultiver le manque en nous pour laisser une place pour Dieu et pour notre prochain. Celui qui est rassasié est concentré sur sa propre personne alors que notre faim nous conduit vers le prochain.

2e thème : La tentation de la séduction religieuse

Jésus a répondu à la première tentation en se plaçant sur le registre spirituel : L’homme ne vivra pas de pain seulement. Le diable a bien entendu sa réponse et va inscrire sa deuxième attaque contre Jésus dans ce domaine. Il emmène Jésus en haut du temple et lui propose de se jeter dans le vide pour que des anges le rattrapent, ce qui ne manquerait d’impressionner les foules. Il aurait alors été adoré, mais adoré comme une idole. Les gens auraient cru en lui pour ses miracles et non pour sa parole. Cette opposition va parcourir tout l’évangile. Régulièrement des foules voudront suivre Jésus, mais pour de mauvaises raisons. Elles le voudraient roi alors qu’il est envoyé comme serviteur.

3e thème : La tentation du pouvoir

La première tentation a eu lieu au désert, la deuxième en haut du temple et la troisième sur une montagne. Le diable présente à Jésus ce pour quoi il a été envoyé, la reconnaissance de tous les royaumes du monde. Mais ce n’est pas en se prosternant devant le diable qu’il sera roi, mais en étant pendu à une croix. Le diable ici est le symbole de la domination, mais comme le dira Jésus plus loin dans son évangile : Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir (Mt 20.28). Il a été roi le jour où il s’est agenouillé aux pieds de ses disciples pour leur laver les pieds.

Une illustration : Garder sa faim vivante

Dans son livre Divine blessure, Jacqueline Kelen raconte : « Je me souviens de ces mots que j’ai lus, un jour, dans le métro parisien, sur la paroi d’un appareil distributeur de confiseries et de boissons sucrées : ″Vous avez faim ? N’attendez pas !″ Je me suis sentie insultée… Non seulement ces sucreries ne répondaient pas à une faim, petite ni grande, mais le passant se voyait réduit à l’automatisme du consommateur face au distributeur automatique. Aucune réflexion personnelle, aucun désir ne lui était concédé, il devait avaler ce qu’on lui disait et ce que contenait la machine. » Plutôt que satisfaire toutes nos faims, l’Évangile nous invite à laisser une place à la soif, à l’attente, à la quête.

Pour aller plus loin :
Le théologien Antoine Nouis reçoit Amos-Raphaël Ngoua Mouri, pasteur de l’Eglise protestante unie de France, pour discuter de Matthieu 4, 1-11 : https://regardsprotestants.com/video/bible-theologie/jesus-tente-par-le-diable/

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenant : Antoine Nouis