L’évangile du dimanche 2 juin

Marc 14.12-26 – Le dernier repas de Jésus avec ses disciples

Introduction

Le dernier repas de Jésus a lieu le premier jour des pains sans levain, qui correspond à la fête de la Pâque qui célèbre la libération de la servitude égyptienne. Cette fête fonde l’éthique du Premier Testament puisque les Dix paroles commencent par ce rappel : Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’ai libéré de la servitude. Lors de son dernier repas, Jésus pose un nouveau fondement qui est le don de sa vie.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Fête des pains sans levain

Dans la Bible, le levain représente ce qui est à même de gonfler le cœur de l’humain et de le rendre inapte au service de Dieu et des hommes (1 Co 5.7-8). Ce sont particulièrement l’orgueil, la jalousie, la convoitise et la recherche des honneurs.

Le pain sans levain est à la fois un pain sans mélanges et un pain nouveau. Lors de son dernier repas, Jésus va donner un sens nouveau au pain de l’Évangile.

Jeu de piste – culture de clandestinité

Jésus ne dit pas dans quelle maison les disciples doivent aller, mais il leur fait un jeu de piste : vous trouverez un homme avec une cruche, suivez-le, il vous montrera le chemin. Ce procédé relève d’une culture de la clandestinité avec des réseaux qui ne se connaissent pas. Nous apprenons aussi que Jésus avait des sympathisants à Jérusalem à l’insu de ses disciples.

Pistes d’actualisation

1er thème : Annonce de la croix – don de la vie

Dans le deuxième évangile, à trois reprises, Jésus a annoncé sa passion et à chaque fois, les disciples ont montré qu’ils n’ont pas compris ce que leur maître disait. Ils ont montré une opposition farouche à la perspective de la croix tant il était impossible pour eux d’associer le mot Christ et le mot croix.

L’arrivée à Jérusalem, l’acclamation de la foule aux rameaux, les mystères qui entourent le lieu où ils partageront le repas pascal… tous ces points suggèrent que quelque chose va se passer. Comme une tradition dit que c’est la nuit de la Pâque que le messie va se révéler, les disciples ont le secret espoir d’un accomplissement. En annonçant que l’un d’entre eux va le trahir, Jésus les douche. Oui, l’accomplissement est proche, mais pas dans le sens où ils l’entendent.

2e thème : Personnage de Juda

Le personnage de Juda est tragique. Il est resté dans la tradition comme le traître étalon, une lecture attentive permet d’apporter trois précisions.

  • Lorsque Jésus annonce qu’un des disciples va trahie, tous les regards ne se portent pas vers Judas, mais chacun se demande si c’est lui. Judas aurait pu être n’importe lequel de ses disciples.
  • Jésus dit : Le fils de l’homme s’en va selon ce qui est dit de lui. Autrement dit, Judas n’est pas celui qui a tué Jésus, il est celui par lequel Jésus a accompli son destin.
  • Enfin Jésus déclare que Judas est l’objet d’un grand malheur. Comme toutes les tragédies, son histoire se termine dans le malheur. Pour tout cela, il mérite notre compassion.

3e thème : Le corps et le sang du Christ

Jésus sait qu’il va mourir, mais au lieu de subir, il fait de sa mort un don. Il annonce à ses disciples que son corps sera broyé et que son sang sera répandu, mais il fait de la mort affreuse de la croix une offrande. En mangeant son corps et en buvant son sang, les disciples sont appelés à accueillir le Christ dans leur intimité.

Dans le livre de la Genèse, le péché est symbolisé par un fruit qui a été mangé ; de la même manière, le don de Dieu est représenté par un morceau de pain et un peu de vin. La grâce vient se poser sur le lieu des contradictions internes du disciple afin de lui permettre d’être renouvelé et fortifié par la présence du Christ en luison et dans notre histoire.

Une illustration : Les disputes dans l’histoire

La Réforme s’est opposée au catholicisme sur la compréhension de l’expression c’est mon corps, et notamment la nature du verbe être. Les uns disent que le pain devient le corps du Christ, d’autres qu’il représente le corps du Christ. En Araméen, la langue que parlait Jésus, le verbe être n’existe pas, si bien qu’il a dû dire : Ceci, mon corps. Il est bien de chercher à faire de la théologie, mais peut-être que vient un moment où il ne faut pas trop se disputer sur le sens d’un verbe qui n’a pas été prononcé : il nous suffit de croire qu’une certaine présence du Christ est offerte dans le pain et le vin.  Comme le dit une liturgie eucharistique : « C’est une joie de n’avoir plus à parler, à expliquer ni à commenter, mais seulement à prendre et à recevoir. »

L’épître du dimanche 2 juin

Hé 9.11-15 – Christ médiateur d’une alliance nouvelle 

Le contexte – Les cadres de la nouvelle alliance

L’épître est adressée à des Hébreux afin de souligner la radicale nouveauté apportée par le Christ qui surpasse l’ancienne alliance représentée par le judaïsme. Pour porter son message, elle relit la vie du Christ à partir des données cultuelles du Premier Testament.

Dans le livre de l’Exode, la première alliance est scellée par un sacrifice destiné à être renouvelé tous les ans. L’auteur de l’épître reprend ce thème en interprétant la mort de Jésus dans le registre sacrificiel, mais en soulignant la radicale nouveauté d’un nouveau grand prêtre, d’un nouveau sanctuaire et d’une nouvelle alliance. 

À travers ces trois éléments, c’est le dépassement du judaïsme qui est évoqué. 

Que dit le texte ? – Le prêtre et l’agneau

Pour l’auteur de l’épître aux Hébreux, le sacrifice de l’alliance devait être régulièrement renouvelé car il n’était jamais parfait. Pour cela, il aurait fallu que le sacrificateur soit en état de pureté parfaite et que l’animal sacrifié soit parfait. 

Avec la mort du Christ les choses changent puisqu’il est à la foi le grand prêtre parfait et l’animal sacrifié. Comme il était sans tâche, le sacrifice est parfait et n’a donc pas besoin d’être renouvelé. 

L’auteur de l’épître relit la mort de Jésus dans le registre sacrificiel, mais en parlant d’un sacrifice qui n’a pas besoin d’être renouvelé, elle signe en même temps la fin de l’économie sacrificielle. 

À partir du Christ, le pardon est définitivement acquis et nous pouvons vivre de cet héritage d’un Dieu qui nous a adopté sans retour possible. 

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – L’alliance nouvelle

Trop souvent nous sommes encore imprégnés de la mentalité religieuse qui veut qu’on doive faire quelque chose pour mériter l’amour de Dieu. Nous devons entendre la nouveauté radicale d’un Dieu qui se donne gratuitement pour les humains. Il l’a fait définitivement en mourant sur une croix et il l’a signifié en partageant le pain et le vin lors de son dernier repas.

Cette logique du don est tellement contraire à notre logique humaine que nous avons besoin de nous le redire régulièrement en partageant le pain et le vin.  

Le texte du Premier Testament du dimanche 2 juin

Ex 24.3-8 – Conclusion de l’Alliance 

Le contexte – Le livre de l’Exode

Le livre de l’Exode peut être découpé en deux parties. La première qui évoque la sortie d’Égypte et la marche dans le désert qui se termine avec le don de l’Alliance sur le mont Sinaï, et une seconde qui contient un grand nombre précisions, souvent assez fastidieuses, sur la construction du coffre du Témoignage, de la tente de la Rencontre, les vêtements du grand-prêtre et tous les ustensiles nécessaires au culte.

Notre texte se situe à la fin de la première partie et peut être considéré comme l’aboutissement du don de Dieu qui libère son peuple en le faisant sortir Égypte, puis qui lui donne sa loi pour qu’il vive de cette liberté.

L’histoire nous a appris qu’une libération qui n’est pas accompagnée d’une solide exigence morale risque de dégénérer dans une tyrannie pire que la précédente, c’est pourquoi la Torah associe les exigences de la justice à la sortie d’Égypte.

Que dit le texte ? – Nous ferons et nous comprendrons

Après avoir donné la loi au peuple, ce dernier a répondu : Tout ce que le Seigneur a dit, nous le ferons et nous l’écouterons. Le verbe écouter veut aussi obéir, comprendre, si bien que les rabbins ont traduit : Nous ferons et nous comprendrons, ce qui est devenu un mot d’ordre dans le judaïsme.

Cette réponse est contraire à notre logique humaine. Notre attitude naturelle face à un commandement est de commencer par l’évaluer, puis, si nous estimons qu’il est juste, de l’appliquer. Ce verset nous projette au cœur de l’anthropologie biblique pour qui la compréhension est une conséquence de l’action. Israël ne commence pas par s’interroger sur les avantages et les inconvénients de l’idolâtrie ou de l’adultère, il renonce à l’idolâtrie et à l’adultère au nom de la confiance dans le Dieu qui l’a libéré de la maison de servitude. Dans un second temps, en cheminant dans la fidélité à Dieu et au prochain, il comprend le sens et la pertinence des commandements. La sagesse et l’intelligence ne sont pas antérieures à l’application des commandements, elles en sont la conséquence.

Ensuite Moïse accompagne le don de la Torah d’un sacrifice dont le sang est le signe de l’Alliance. La parole éthique est accompagnée d’un rituel pour incarner les prescriptions dans l’ensemble de la personne. La Torah n’est pas une spéculation intellectuelle, c’est une vie. 

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – La nouvelle alliance

Dans la Bible, l’alliance du Sinaï peut être considérée comme l’Alliance avec un grand A, c’est-à-dire le centre de la relation de Dieu avec son peuple. Dieu a libéré son peuple et lui promet d’être son Dieu et le peuple est appelé à vivre la Torah. Le sang du sacrifice est le signe de cette alliance. 

Dans la suite de l’histoire, les prophètes Jérémie et Ézéchiel ont parlé d’une nouvelle alliance marquée par une nouvelle relation entre Dieu et son peuple : « Je mettrai ma loi au dedans d’eux, je l’écrirai sur leur cœur » (Jr 31.33). Cette alliance, nous chrétiens croyants qu’elle est réalisée en Jésus-Christ, signifiée par son dernier repas.

En donnant son alliance, Dieu pose la justice au cœur des relations avec son peuple, avec la nouvelle alliance, cette notion de justice change puisque c’est Dieu qui se donne lui-même pour le salut de ses enfants.

Production : Fondation Bersier-Regards protestants
Intervenants : Antoine Nouis, Florence Taubmann