L’évangile du dimanche 6 octobre

Marc 10.2-16 – Jésus et la répudiation

Questions conjugales

Introduction

Nous sommes dans la partie de l’évangile au cours de laquelle Jésus est en marche vers Jérusalem. À l’occasion de ses différentes rencontres, il redéfinit par petites touches les différents champs de la théologie à partir de la perspective de la croix. Dans le texte de ce dimanche et des deux suivants, il aborde trois grands domaines de l’éthique : le rapport à la sexualité, à l’argent et au pouvoir.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

1 – La répudiation

Au temps de Jésus, le mariage ne reposait pas sur une conception romantique de l’amour mais sur la notion de contrat. Le mariage était précédé de fiançailles qui liaient les futurs époux et leurs familles. Le contrat de fiançailles stipulait comment les frais de la noce seraient partagés, la dot que le père de la jeune fille devait verser au futur foyer et le gage de mariage qui devait revenir à l’épouse en cas de décès de l’homme ou de répudiation. La répudiation était possible, mais elle n’était pas si fréquente car elle coûtait cher. Le mari devait restituer à sa femme sa dot ainsi que le montant du gage prévu par le contrat. Si l’homme en avait les moyens, il était plus courant qu’il prenne une deuxième femme et qu’il garde la première plutôt que de la répudier.

2 – La répudiation réciproque

En français, le verbe répudier veut dire « renvoyer sa femme par décision unilatérale du mari. » Dans sa réponse, Jésus déclare : Celui qui répudie sa femme et en épouse une autre commet l’adultère envers la première, et si une femme répudie son mari et en épouse un autre, elle commet l’adultère (10.11-12). Une façon pour Jésus de dire : « Pourquoi me demandez-vous dans quelles conditions il est possible à un homme de répudier sa femme et ne me demandez-vous pas dans quelles conditions il est possible à une femme de répudier son mari ? À ces deux questions, celle que vous m’avez posée et celle que vous ne m’avez pas posée, je réponds : Celui qui répudie son conjoint et en épouse un autre est adultère. »

Pistes d’actualisation

1er thème : Jésus et l’éthique

À partir de cette réalité sociale, les Pharisiens interrogent Jésus sur une question de droit : dans quelles conditions est-il possible de répudier ? Jésus répond dans un tout autre domaine : il remonte à la Genèse pour tenir un discours différent sur la conjugalité à partir des deux récits.

Il sort le débat sur la conjugalité du registre de la morale (Est-ce que j’ai le droit de faire ceci ou cela ?) pour l’inscrire dans le registre de l’anthropologie (Qu’est-ce que l’humain et à quoi est-il appelé). Dans ce domaine, il dit deux choses.

Au commencement Dieu les fit homme et femme. L’humanité est marquée par la polarité homme-femme, chacun étant l’autre de son conjoint. le couple est le premier lieu où s’expérimente le respect de la différence. Parmi toutes les différences qui structurent l’humanité, se trouve la différence homme-femme.

L’homme quittera son père et sa mère, constitue le couple comme création d’une entité nouvelle. L’homme et la femme ne sont pas invités à reproduire l’histoire de leurs parents, mais à prendre le risque d’écrire leur propre histoire. Ils sont appelés à la liberté, à défricher leur propre chemin

2e thème : La relation homme-femme 

Ce verset et celui qui assimile la répudiation à un adultère ont conduit des Églises à interdire le divorce… sauf que le parallèle de l’évangile de Matthieu ouvre cette possibilité en disant : Celui qui répudie sa femme – sauf pour inconduite sexuelle – et en épouse une autre commet l’adultère (Mt 19.9).

Qu’est-ce que l’inconduite sexuelle (porneia en grec) ? L’infidélité ? La violence ? Le mépris ? Il est vrai que la sexualité est au cœur de l’équilibre du couple. Ce que nous entendons dans ce verset, c’est que le couple est tellement important dans la vie que l’échec du couple est aussi l’échec du projet de Dieu pour un homme et une femme.

3e thème : La place de l’enfant

Quand il parle de conjugalité, Jésus parle du couple, mais ce n’est pas un hasard sur le texte suivant évoque l’enfant que les disciples veulent rejeter et que Jésus prend dans ses bras et bénit. L’évangile n’oublie pas que la sexualité donne aussi naissance à des enfants. Ils sont souvent les victimes des tensions du couple des parents, alors qu’ils sont une image du royaume.

En les bénissant, Jésus leur dit qu’ils sont précieux aux yeux de Dieu et qu’eux aussi sont appelés à leur propre histoire.

Une illustration – Quitter son père et sa mère

Dans son travail sur les différents modèles familiaux qui existent dans le monde, Emmanuel Todd a montré que le fait de quitter ses parents distinguait les civilisations entre celles dans lesquelles le fils habite avec sa femme dans la maison des parents et celles dans lesquelles le jeune couple forme un foyer à part. Il a montré que les pays où les enfants quittent leurs parents vivent plus souvent selon un régime démocratique.

Quitter son père et sa mère, c’est prendre le risque de la liberté et quand on prend goût à la liberté, on supporte moins les gouvernements autoritaires.

Peut-être qu’il n’y a pas dans la Bible de verset plus politique que celui-là.

L’épître aux hébreux du dimanche 6 octobre

Hé 2.9-11 – La souffrance du Christ et le salut des humains 

Le renversement de l’Évangile

Le contexte – L’épître aux Hébreux

L’épître aux Hébreux s’adresse, comme son nom l’indique, à des judéo-chrétiens afin de leur présenter la radicale nouveauté apportée par le Christ qui surpasse l’Ancienne Alliance représentée par le judaïsme.

Les deux premiers chapitres de l’épître multiplient les citations du Premier Testament (une dizaine de références) pour souligner la grandeur, la gloire, la justice et l’honneur du Christ. 

Le but de cet éloge est de montrer que c’est bien celui qui était au sommet de la création qui est descendu au plus bas en étant condamné à mort et en souffrant toutes les souffrances de notre humanité. 

Que dit le texte ? – Le plus bas et le plus haut

Les quelques versets proposés à notre méditation soulignent la tension entre le plus bas et le plus élevé.

Jésus est couronné de gloire à cause de la mort qu’il a soufferte. Nous retrouvons le mouvement de l’hymne de l’épître aux Philippiens qui dit que Jésus qui était vraiment divin s’est vidé de sa divinité en se faisant serviteur. C’est parce qu’il s’est abaissé en devenant obéissant jusqu’à la mort que Dieu l’a souverainement élevé et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom (Ph 2.5-11). C’est parce qu’il est descendu le plus bas que Jésus a été élevé au plus haut. 

Ce don de Dieu pour les humains introduit une nouvelle économie religieuse fondée sur ce renversement de l’Évangile. Parce que Jésus a totalement assumé notre humanité, il a appelé ses apôtres frères. Aujourd’hui encore, il nous invite à devenir ses frères et sœurs.

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Changer son regard sur la sexualité

Le passage de l’évangile de ce dimanche se situe pendant la montée de Jésus à Jérusalem alors qu’il se prépare à vivre sa passion. Dans cette montée, il revisite les différents domaines de la vie chrétienne qu’il nous invite à considérer à partir de la croix. Il commence par les questions conjugales.

Habituellement, nous considérons les questions relatives à la sexualité à partir de notre personne : qu’est-ce qu’on vit, qu’est-ce qu’on désire, qu’est-ce qu’on attend ? Le renversement de l’évangile nous invite à regarder les choses autrement en retournant la perspective : qui suis-je pour mon conjoint ? Comment je prends en compte sa vie, ses désirs, ses attentes ?

Être frère ou sœur de celui qui s’est donné pour le monde change notre façon de vivre. 

Le livre de la Genèse du dimanche 6 octobre

Gn 2.18-25 – L’homme et la femme 

Une éthique de la sexualité

Le contexte – éléments d’anthropologie

Dans le deuxième récit de création, la première parole de Dieu sur l’humain le qualifie : il n’est pas bon que l’humain soit seul. Selon ce verset, la solitude qualifie l’humain. À la différence des animaux qui sont créés selon leur espèce, l’humain est créé être unique. Comme le disait Luther, on est seul à croire comme on est seul à mourir.

Dire que cette solitude n’est pas bonne, c’est poser comme défi à l’humain la rencontre avec l’autre-différent-de-lui-même qui mettra fin à sa solitude. Dans ce texte, c’est la différenciation sexuée qui joue ce rôle. C’est dans la rencontre de l’homme et de la femme que l’humain est invité à dépasser sa solitude ontologique. 

Que dit le texte ? – éléments d’éthique sexuelle

Lorsque Dieu fait tomber l’humain dans une torpeur, il opère la séparation homme – femme. Quand l’homme découvre la femme, il s’écrie : Cette fois c’est l’os de mes os, la chair de ma chair. Le cri vient du plus profond de sa personne. Les commentaires rabbiniques se sont demandé pourquoi l’homme a-t-il dit cette fois ? La conjonction souligne que d’autres tentatives avaient échoué. Le midrash dit que lorsque le Seigneur a présenté les animaux à l’humain pour qu’il les nomme, ils étaient en train de s’accoupler, l’un sur le dos de l’autre : ils ne se regardaient pas. Lorsqu’il a rencontré la femme, l’homme a compris qu’ils pourraient faire l’amour en se regardant. La sexualité humaine diffère de l’animale en ce que le partenaire n’est pas qu’un objet sexuel, il est d’abord un visage.

L’apparition de la sexualité se trouve dans le verset qui dit que l’homme et la femme ne feront qu’une seule chair, il est encadré par deux affirmations qui posent les piliers de l’éthique sexuelle : l’homme quittera son père et sa mère, et : l’homme et la femme étaient tous les deux nus.

Quitter son père et sa mère, c’est être adulte et responsable. Être nu, c’est être en vérité devant son prochain jusque dans la fragilité de son humanité. 

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Une éthique universelle

Lorsque Jésus est interrogé sur la conjugalité, il cite texte de la Genèse en ajoutant un commentaire : Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni. Ce verset affirme que Dieu est au cœur des conjoints lorsqu’ils ne forment plus qu’une seule chair.

En citant le texte de création, Jésus déclare que l’éthique sexuelle est universelle, c’est tous les humains qui sont invités à quitter père et mère, c’est tous les humains qui sont appelés à être nus l’un devant l’autre. Le mariage comme l’union de deux solitudes qui s’attachent l’une à l’autre pour mettre fin à leur solitude s’adresse à tous les humains, croyants et incroyants

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Intervenants : Antoine Nouis, Laurence Belling