L’évangile du dimanche 9 juin

Mc 3.20-35 – Jésus, les démons et la famille 

Introduction

Dans les récits qui précèdent, Jésus a été assailli par la multitude des malades, ce qui l’a conduit à s’organiser en appelant les Douze. Après cela, Jésus revient à la maison qui est son camp de base à Capharnaüm. Il veut peut-être prendre un temps pour les former, mais la foule ne le laisse pas tranquille, elle se rassemble encore et menace encore une fois son ministère puisqu’ils ne pouvaient pas même manger. Si Jésus ne peut manger, il est menacé d’inanition.

Tout au long de l’évangile, Jésus sera dérangé par les foules. Elles ne seront pas toujours hostiles, loin de là, mais elles resteront malgré elles un frein pour le déploiement de son ministère.

Points d’exégèse

Attention sur deux points.

Béelzéboul

Les religieux accusent Jésus de chasser les démons par Béelzéboul. Le nom Béelzéboul peut venir de Baal-Zeboub (2 R 1.2)qui signifie le Seigneur des mouches, ce qui serait une appellation sarcastique. Une autre étymologie, plus probable est Baal Zeboul qui signifie le Seigneur de l’habitation. Jésus est accusé d’entretenir un commerce avec des autorités spirituelles.

Après son baptême, Jésus a été poussé au désert pour être tenté par Satan. Dans les évangiles de Luc et de Matthieu, le Satan avait offert à Jésus son autorité si ce dernier acceptait d’être son serviteur. I a refusé cette parole en résistant à la tentation, et voilà qu’on l’accuse d’y avoir succombé.

La mère de Jésus

Ce passage présente la première apparition de Marie dans cet évangile. Elle veut le ramener à la maison, probablement parce qu’elle aime son enfant et qu’elle a peur pour lui. Au début de ce chapitre, les pharisiens se sont concertés avec les hérodiens sur les moyens de le faire disparaître.

 Dans l’évangile de Jean, la première apparition de la mère de Jésus est dans un autre contexte : à Cana, elle conduit son fils à se révéler (Jn 2.5). Les deux passages sont contradictoires, mais ils sont tous les deux vrais : une mère a peur pour son enfant et une mère n’a qu’un souhait, qu’il accomplisse sa vocation.

Pistes d’actualisation

1er thème : Jésus face à l’accusation

Jésus est face à une accusation complètement irrationnelle : c’est par le prince des démons qu’il chasse les démons. Par rapport au ministère de guérison et de libération de Jésus, les religieux sont devant un fait qu’ils ne comprennent pas. Ils ont le choix entre deux solutions : soit ils sont obligés de reconnaître que Dieu est avec Jésus et alors ils peuvent devenir disciples, soit ils ne peuvent admettre ce qu’ils voient et ils sont dans l’accusation.

Jésus répond à l’irrationalité de l’accusation par une réponse rationnelle : si Jésus est habité par le Satan, il ne peut œuvrer contre le Satan. La logique est implacable. Son argumentation induit que Satan est intelligent et qu’il ne va pas se tirer une balle dans le pied. C’est la définition du diabolique que d’imputer une intelligence au mal.

2e thème : Le blasphème contre l’Esprit

Tout sera pardonné… mais quiconque blasphème contre l’Esprit saint n’obtiendra jamais de pardon. Avant d’approfondir la deuxième partie de la phrase, il ne faut pas glisser trop vite sur cette affirmation centrale de l’Évangile : Tout sera pardonné… sauf le blasphème contre l’Esprit qui est du domaine du spirituel. Le seul péché non pardonné n’est pas un péché moral ou sexuel, c’est un péché spirituel. Il s’adresse aux religieux qui accusent Jésus, et non aux collecteurs des taxes, aux prostituées, aux pécheurs, aux Romains et aux gens de mauvaise vie. Eux, ils seront tous pardonnés.

Dans ce passage le péché qui ne peut être pardonné relève de l’accusation contre les œuvres de Dieu. On ne peut être pardonné si on accuse le pardon, on ne peut être libéré si on dénigre toute possibilité de libération. Le blasphème contre l’Esprit ne relève pas de l’ignorance, mais du refus raisonné de toute action de l’Esprit. Le pardon de Dieu ne peut s’imposer contre le gré d’une personne, il n’est pas forcé ni obligatoire.

3e thème : Jésus et la famille 

Lorsque Jésus dit que ses frères et ses sœurs sont ceux qui font la volonté de Dieu, il oppose la famille vocationnelle à la famille de sang. Il a bien entendu la parole de la Genèse qui dit que l’appel de l’humain est de sortir de sa famille pour construire sa propre histoire. 

Vis-à-vis de la famille, la réflexion s’inscrit dans la tension entre le verset qui dit que l’homme quittera son père et sa mère et la parole qui appelle à honorer son père et sa mère. Quitter et honorer. Ne jamais oublier d’honorer, mais quitter aussi quand la famille est un frein à sa propre vocation. 

Une illustration : Famille de sang et de paroles

En sociologie, les familles s’organisent autour de deux types de liens, les liens du sang relient les parents aux enfants et les frères et sœurs entre eux, et les liens de la parole intègrent dans la famille ceux qui ne sont pas du même sang : les conjoints et les enfants adoptés. 

Au commencement de l’évangile, on apprend que Jésus a été adopté par son père qui n’était pas son géniteur et à la fin de l’évangile, Jésus confie sa mère à son disciple : Voici ta mère, et son disciple à sa mère : Voici ton fils ! Jésus ne nie pas les liens du sang, mais il introduit de la parole dans son approche de la famille. 

Le texte du Premier Testament du dimanche 9 juin

Gn 3.9-15 – Conséquence du péché 

Le contexte – Le récit du jardin

Le chapitre 3 du livre de la Genèse raconte ce qu’on appelle habituellement la chute, c’est le récit qui marque la rupture entre la création posée par Dieu dans laquelle tout était bon et la réalité de notre monde marqué par la violence et les injustices.

Le point de rupture entre les deux mondes est la manducation du fruit défendu à partir de la promesse mensongère du serpent : « Le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux. » Ils ont mangé, leurs yeux se sont ouverts et… ils ont vu qu’ils étaient nus.

Selon ce récit étiologique, l’irruption du mal dans le monde est la conséquence de la quête de l’humain de vouloir être Dieu. Ne plus accepter ses limites et ses prochains mais laisser se développer son désir de posséder les gens et les choses. 

Que dit le texte ? – La situation de notre monde

La rupture d’avec la création de Dieu est marquée par trois points.

La honte de la nudité. Être nu, c’est être en vérité devant son prochain avec ses fragilités et ses cicatrices. Quand on veut être Dieu, il vaut mieux cacher ses faiblesses. L’humain a quitté le champ de la transparence pour entrer dans un jeu de dissimulation et de petits mensonges.

Le rejet de la responsabilité. L’homme accuse la femme et la femme accuse le serpent. Être nu devant Dieu et son prochain, c’est assumer ce qu’on fait et ce qu’on dit, même quand il nous arrive de nous tromper ou de mal nous comporter.

L’opposition entre l’humain et le serpent. Dans le récit de la Genèse, le serpent est marqué par le mensonge et l’accusation. Le premier combat de notre humanité est celui contre le mensonge et l’accusation. 

Quel est le lien avec le passage de l’Évangile ? – Vaincre le serpent

Quand les religieux accusent Jésus de chasser les démons par le prince des démons, ce sont eux qui sont dans le registre du démoniaque en ce que leur parole est accusatrice et mensongère.

Jésus démonte leur accusation en rappelant basiquement ce qu’il a fait : il oppose les faits aux affabulations de ses accusateurs. Son attachement à la vérité est tellement entier qu’il le met en porte à faux par rapport à sa famille.

On n’écrase pas la tête du serpent en utilisant les mêmes armes que lui mais en refusant tout compromis avec la vérité.  

Production : Fondation Bersier-Regards protestants
Intervenants : Antoine Nouis, Florence Taubmann