L’affichage des 95 thèses

Il y a quelques vingt ou trente ans, un historien catholique bien intentionnés vis-à-vis de Luther a remis en question la réalité de l’affichage en disant que ça ne s’est pas du tout passé comme ça, Luther ne voulait pas s’en prendre à l’Église. C’étaient des thèses destinées à être discutées à l’université ce n’étaient pas des thèses révolutionnaires, il ne voulait pas mettre la pagaille dans l’église, donc les thèses n’ont pas été affichées.  Et d’ailleurs, ceux qui parlent de cet affichage, c’est notamment Philippe Melanchthon qui n’était pas à l’époque à Wittenberg. Donc il y a des arguments historiques aujourd’hui. Les historiens sont partagés. La thèse de l’affichage est un petit peu revenu quand même en vogue aujourd’hui.

Disons que la majorité dit maintenant que c’est probable que ces thèses ont été affichées.  Mais de toute façon affichées ou pas, ce qui est sûr c’est qu’elles ont été répandues très rapidement en quelques semaines. Les premiers d’ailleurs à les réimprimer ici dans la région étaient à Bâle donc début 1518, les thèses arrivent déjà Strasbourg, traduites évidemment dans la langue du peuple alors qu’elles étaient en latin à l’origine, puisqu’elles devaient être discutées à l’université et donc à Strasbourg on les affiche ces 95 thèses pour protester contre les mœurs ou contre la rapacité qu’on attribue au clergé. Donc on les affiche aux portes des églises enfin des laïcs les affiche aux portes des églises au portes de certains presbytères.

Quel est le contenu de ces 95 thèses ?

Il y a beaucoup de choses évidemment. Luther s’en prend à une pratique dévoyée, incarné par les Dominicains, qui circulaient dans toute l’Allemagne et qui vendaient des indulgences. Il faut toujours rappeler ce que c’est l’indulgence. L’indulgence c’est une remise de peine. Lorsqu’on se confesse à l’époque pour fait pénitence. On reçoit l’absolution mais les prêtres vous imposent aussi une peine : un pèlerinage, prier cent fois l’Ave-Maria ou le Notre-Père, jeûner. Toutes sortes de peine étaient imposées, mais ces peines pouvaient être remises moyennant par exemple de partir en guerre sainte comme au 11e siècle ou alors moyennant finances.

Et c’est là que les choses vont évidemment déraper parce que ça va donner lieu à un trafic financier éhonté puisque quand le pape construit la basilique Saint-Pierre de Rome ou quand tel autre évêque ou prince veut construire une église et qu’il a besoin d’argent, eh bien on lance une campagne d’indulgence. Donc il y a cet arrière-plan financier dont Luther ignorait d’ailleurs les tenants quand il publie ses 95 thèses.

Mais Luther constate une chose, c’est qu’avec ses remises de peine, les gens confondent tout à la fois le pardon et la remise de peine et pensaient qu’au fond, ça contribuait aussi à pardonner les péchés, donc un grave malentendu. […]


Pour aller plus loin : Musée protestant :  Il y a 500 ans… Luther affichait 95 thèses !

Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Entretien mené par : Antoine Nouis
Réalisation : Jean-Luc Mouton
Intervenant : Marc Lienhard