La valeur de la transparence
Dans notre société moderne, la transparence est une valeur omniprésente. Que ce soit face à un nuage toxique ou à un scandale politique, la demande de transparence totale et immédiate est constante. Cette quête de transparence a ses racines dans la culture américaine, et plus spécifiquement dans la culture puritaine. Cependant, elle trouve aussi une justification positive dans l’idée que l’on est toujours devant Dieu. Selon cette perspective, il existe un regard divin qui voit tout, imposant ainsi une obligation de sincérité et de transparence. Cette transparence devant Dieu interdit le double langage et demande une morale cohérente et universelle pour tous, indépendamment du statut ou de la position sociale. C’est une transparence honnête, loin de toute prétention à détenir la vérité absolue.
Jean-Jacques Rousseau explore cette idée dans « Les fêtes de la Nouvelle Héloïse », où il décrit un idéal de transparence des cœurs, sans vanité ni honte. Dans ce contexte, la transparence signifie ne rien avoir à cacher et ne rien chercher à montrer. C’est un état de pure honnêteté et de simplicité. Cependant, il y a un aspect négatif à cette quête de transparence, car elle peut devenir un impératif d’immédiateté, écrasant les différentes temporalités nécessaires à la justice, à la recherche scientifique et à l’analyse. La vérité nécessite du temps pour émerger, et la volonté d’une transparence immédiate peut s’avérer dangereuse, car elle brise le rythme naturel de la vie et des processus sociaux.
Les dangers de l’impératif de transparence
L’exigence d’une transparence totale et immédiate peut mener à des dérives totalitaires. Cette pression pour une transparence absolue peut détruire la pluralité des temporalités et des registres de vérité nécessaires au bon fonctionnement des individus et des sociétés. Chaque domaine de la vie – la justice, la recherche scientifique, l’analyse – requiert son propre temps pour que la vérité puisse émerger de manière réfléchie et complète. La transparence immédiate, en écrasant ces temporalités, empêche une compréhension profonde et nuancée des situations.
Il est crucial de reconnaître le besoin d’institutions qui protègent ces temporalités et placent des écrans pour filtrer les informations de manière responsable. Sans ces protections, la quête de transparence peut devenir destructrice, imposant une uniformité de rythme qui ne correspond pas aux réalités complexes de la vie humaine et sociale.
Production : Fondation Bersier – Regards protestants
Réalisation : Jean-Luc Mouton
Intervenant : Olivier Abel
Première diffusion : 26 février 2021