Dieu n’est ni aux confins métaphysiques, ni blotti dans le soi intime, mais au cœur du monde, de l’humain réel, concret, entier. Cette conviction, à la suite de Dietrich Bonhœffer, a poussé André Dumas (1918-1996), professeur de morale à la faculté de théologie protestante de Paris, à vivre et inviter à vivre une spiritualité et une éthique embarquées dans la réalité des femmes et des hommes du temps : les juifs soutenus par la Cimade dans le camp de Rivesaltes, les étudiants refusant de partir se battre en Algérie, les femmes confrontées aux grossesses non désirées et se battant pour la contraception et l’avortement, les malades en fin de vie… Être cru car crédible, inspirant car écoutant…

Une vraie confiance

La spiritualité, non pas comme une sagesse tiède pour le confort personnel, mais comme un compagnonnage dans la lutte pour faire souffler l’esprit d ’Amour dans les complexités morales vécues par les personnes. Écouter, être empathique, réfléchir avec, ouvrir la Bible pour déplacer les évidences et les fatalités… Cette confiance en Dieu et dans l’humain (notamment ses capacités à inventer des nouvelles façons de faire famille ou Église) est aussi une confiance dans la capacité de la parole évangélique à être entendue au-delà des seuls chrétiens. En entrant en dialogue avec les francs-maçons comme les marxistes, les médecins comme les assistantes sociales. Par le choix de mots communs aux croyants et aux incroyants : rétablir la vie comme une bénédiction grâce à la contraception, une convivialité de tous les vivants face à la crise écologique, habiter sa mort comme on a habité la vie.

Causer avec Dieu

Ce n’est pas un hasard si l’ouvrage le plus connu d’André Dumas est Cent prières possibles : des prières dans les mots d’aujourd’hui et surtout le vécu des humains d’aujourd’hui pour « causer » avec Dieu comme on parle avec un ami. La spiritualité n’est pas affaire d’athlète, pas seulement jeûnes ou retraites, elle peut se vivre avec les mots de tous les jours dans ma relation avec tout humain, proche ou lointain, que je côtoie, aide ou aime.

Pour moi qui n’ai pas grandi dans la foi, qui n’ai pas les mots de la prière comme langue maternelle, j’aime cette spiritualité qui n’est pas affaire de spécialiste mais peut se vivre avec le vocabulaire de tous les jours. Pour moi dont le pain quotidien dans ma Fraternité de la Mission populaire de la Maison Ouverte (93, Montreuil) est écoute, accompagnement, lutte avec des personnes de tous horizons pour la justice et la beauté. J’ai trouvé en Dumas une spiritualité qui s’incarne dans la relation, avec l’autre, donc avec l’Autre, à la suite de Jésus.