Elle souhaitait guider au téléphone mon arrivée sur son lieu de vie. « On habite dans la forêt ! » avait-elle prévenu. Après le boulevard, la rue étroite qui monte et tourne, c’est un chemin tortueux qui conduit à un chalet au milieu des pins. Une colline magique, avec vue sur des reliefs ensoleillés au loin. Les chiens assurent l’accueil. La jeune femme vit ici avec son compagnon et leur tout récent bébé, Adam, trois semaines, pour le moment endormi. Elina a 29 ans. Cette violoniste de profession est aussi conseillère presbytérale dans l’Église de Sanary – La Seyne.

Elle est née en Lituanie, près de Vilnius. Elle rejoint à 7 ans un internat dans la capitale. À 16 ans, elle part à Oslo, en Norvège, car elle a la possibilité d’y étudier dans un institut de musique. Et à 21 ans, elle « atterrit » dans le sud de la France.

De Vilnius au Var

Je la questionne sur cette bifurcation française. « J’aime dire que je suis une immigrée par amour, raconte-t-elle. Mon ex-compagnon, qui étudiait à Oslo, a eu un poste à Toulon et je l’ai suivi. On s’est séparés après quelques années, mais je me suis sentie tellement bien ici que j’y suis restée. J’ai souhaité développer ma vie, mon travail dans cette région : la musique, les groupes, les rencontres… » Au sujet de son arrivée dans le Var, Elina parle de choc culturel. « Dans les pays nordiques, les gens sont très réservés, silencieux, respectueux… Quand je suis arrivée, on a pris la route, j’ai eu plein de coups de klaxon ! Ici les gens sont sanguins, expressifs ! Il m’a fallu une période d’adaptation. Mais je suis de nature flexible. Très tôt, dans mon école, j’ai fréquenté des gens très divers, riches de différentes couleurs et cultures. Je pense que ça m’a aidée. » Cette « immigrée » parle également d’une maman française d’adoption qui a bien accompagné son acclimatation.

Toutes les musiques

La musique, le violon imprègnent donc sa vie depuis longtemps. D’ailleurs, dans la famille, tout le monde est musicien. « Ce n’était pas mon choix, mais ça l’est devenu. Ma mère disait que si elle avait une fille, elle jouerait du violon ! » Pourtant, après l’institut de musique en Norvège, la jeune instrumentiste s’est arrêtée de jouer. Elle souhaitait entamer des études de musicothérapie : « C’était une passion depuis mon adolescence : aider les gens par la musique. »

Mais la formation visée était dispensée à Montpellier – trop loin. Elle s’est donc inscrite au conservatoire à Toulon, « pour rencontrer des gens ». Elle a rejoint l’orchestre symphonique toulonnais Amadeus et les rencontres musicales se sont multipliées. « J’ai une formation très classique, mais aujourd’ hui je joue de la musique irlandaise, slave, scandinave, des impros, de la chanson française… un peu de tout ! » Du coup, les lieux où elle est amenée à se produire sont des plus variés. Sa préférence ? « Tout me plaît : j’aime à la fois ce grand spectre musical et le fait de ne jamais cesser d’apprendre. »

Elina évoque sa rencontre avec Rémi, lors d’un festival de musique. Elle est sollicitée pour entrer dans un groupe de musique africaine où, normalement, il n’y a pas de violon… Rémi y est percussionniste et fabrique des djembés. Elle se lance dans l’aventure. « Ce jour-là, on a parlé musique… et on n’a jamais arrêté de parler musique jusqu’à maintenant ! C’était une très belle rencontre, dans les îles des Embiez, un lieu paradisiaque… »

Des projets pour l’Église

Issue d’une famille chrétienne, Elina a connu dans ses plus jeunes années en Lituanie une Église évangélique « très conservatrice ». Adolescente, elle s’engage dans une Église pentecôtiste pour rencontrer plus de jeunes. En Norvège, elle fréquente plusieurs Églises (luthérienne, baptiste…). En France, il y a 3-4 ans, elle rencontre Noémie Woodward, pasteure de l’Église protestante unie de Sanary – La Seyne. Un dialogue qui semble avoir compté : « Oui, l’enthousiasme de Noémie, son énergie, sa pétillance, si le mot existe…

Ce qui m’a touchée, dans cette Église, c’est de ressentir une vraie communauté, des gens très unis entre eux. Il y règne une belle ambiance d’amour. Et même si c’ était complètement nouveau pour moi d’avoir une liturgie, une structure dans le culte, c’est ce qu’il me fallait à cette époque. J’ai bien accroché et j’ai trouvé ma place dans cette Église. » Très vite, la pasteure lui a proposé d’animer des cultes au violon. « C’était tellement nouveau pour moi que je n’arrêtais pas de regarder les feuillets pour être sûre de respecter l’ordre liturgique ! » Puis il y a eu l’invitation à faire partie du conseil presbytéral. « J’ai hésité à cause de mon planning, mais ce qui m’a motivée, poursuit Elina, c’était de connaître mieux le fond et le fonctionnement de l’Église. Au conseil, on a le temps d’entrer vraiment dans les sujets. »

Sa contribution à l’Église, elle la voit plutôt sous forme de projets musicaux. Par exemple : en dehors du culte, une prière méditative accompagnée par la musique – une idée à laquelle elle tient depuis longtemps et qui devrait se concrétiser bientôt. Elle aime aussi le contact avec les enfants et souhaite les faire participer au culte à travers des animations. « Je donne des cours de violon et j’ai 2 élèves qui font partie de l’Église protestante de Sanary. Ils ont joué pour le baptême de leur petite sœur… C’est un exemple de ce qu’on pourrait développer. »

Une source et une ressource

Je demande à Elina de revenir sur son parcours spirituel. « À 14 ans, j’ai commencé à chercher Dieu et des réponses dans ma vie. J’ai demandé le baptême. Après, ça ne m’a jamais quittée, c’est une partie de ma vie, un appui, une source quotidienne de force, oui une source et une ressource. Je l’ai vécu récemment avec l’accouchement ! Même là, dans ces choses concrètes, dans les épreuves, la foi nous aide. Je l’ai vraiment vécu. » Et Elina redit l’émerveillement de cette naissance, de cette nouvelle vie.

Rémi, son compagnon, n’a pas eu d’éducation religieuse, mais souvent il a emmené Elina au temple le dimanche. « Il a déjà assisté à un culte et il m’a dit qu’il ressentait une sorte de paix dans ce lieu. Donc, il a plutôt fait des expériences positives ! » ajoute-t-elle avec un sourire.

Elina propose de me jouer quelque chose au violon. Le minuscule Adam ne pleure plus, il a pris son repas, sa mère l’installe sur le canapé, puis elle saisit l’instrument et égrène des airs de différents pays. Le bébé ne dit mot, il a les yeux grand ouverts. Il écoute.

Il émane de la personne d’Elina une tranquillité lumineuse. Et ça n’a pas l’air plus compliqué que cela, d’être une jeune mère engagée dans l’Église. Cela paraît simple, aussi, de parler parfaitement le français… ou de faire dire le Notre Père en lituanien aux conseillers presbytéraux !

Son espérance pour le monde? « En ce moment, répond la jeune femme, ce que je ressens le plus, c’est la séparation entre les gens, les jugements sur les choix des autres… Autour de la question du vaccin, par exemple. Je souhaiterais que dans ces situations difficiles on n’oublie pas de se respecter, de rester unis, dans les Églises et au-delà. »