Par Jef Joussellin, membre du comité de rédaction de Présence

Jean Joussellin naît le 2 novembre 1903 (le Jour des Morts, aimait-il rappeler, goguenard), à Marennes, en Charente-Maritime, dans cette Saintonge, vieux pays protestant. Il naît dans une famille calviniste depuis la Réforme. On compte parmi ses ancêtres un pasteur du Désert, qui, comme c’était la coutume en cette région, organisait les cultes clandestins à bord des bateaux de pêche au large des côtes. Ancienne famille de pêcheurs, les Joussellin ont gravi l’échelle sociale, ses père et grand-père étaient notaires. La familles maternelle, les Dubois, est également une vieille famille huguenote, beaucoup plus aisée.
Après quelques hésitations, Jean entame des études de théologie. Il suit également l’enseignement de Piaget, le psychologue suisse, qui le passionne. Il sera pasteur dans le Nord, au pays de Montbéliard, missionnaire au Liban, où il démantèle un réseau de prostitution, et très actif dans le scoutisme protestant.

Face à la guerre

A l’aube de la guerre, il est commissaire national des éclaireurs et éclaireuses unionistes et secrétaire général du scoutisme français. à ce titre, il participe à une réunion de la Fédé en 1939, où il s’oppose vigoureusement à la notion de guerre juste, défendue par Pierre Maury ou André Philip.

Cela ne l’empêche pas, révoqué de son poste par le gouvernement de Vichy pour philosémitisme, de s’engager dans la Mission populaire, à la Maison Verte. Il y organise à partir de 1942, à la demande des familles, le recueil et la mise à l’abri des enfants juifs du quartier et d’ailleurs. à partir de 1943, la colonie de Cappy, dans l’Oise, est ouverte. Une centaine d’enfants juifs y vivent. Ils seront tous sauvés. Dans cette entreprise, toute la famille Joussellin est engagée, Yvonne, sa première femme, et leurs enfants. La petite histoire se mêlant à la grande, c’est dans ce sauvetage qu’il rencontrera Renée, sa seconde épouse, et ma mère, qui y est aussi active comme cheftaine éclaireuse. Il sera également aidé durant toute cette période par Jacques Walter, présent à Cappy, et qui restera un de ses amis les plus proches.

Changement de vie

Après guerre, il est quelques temps pasteur à Alger. Mais sa situation personnelle se complique. Pour aller vite, les autorités de l’église lui ordonnent de cesser toutes relations avec Renée. Il a alors cette réponse : « Mon bonheur conditionne ma vocation. » Il n’est plus pasteur… Plus tard, on lui proposera un nouveau poste qu’il déclinera. Commence alors une nouvelle vie de recherches, marquée par la curiosité sociologique et l’approfondissement théologique. Ses travaux portent sur les mouvements de jeunesse à travers le monde. Barthien depuis toujours, il se passionne pour la théologie de la libération aux côtés de Georges Casalis et à la théologie de la mort de Dieu. Il approfondit également sa connaissance du marxisme et surtout de ses courants hétérodoxes.

Toujours la jeunesse

Mai 68 n’est pas une surprise pour lui. Il l’avait prévu, et il le suit avec passion. Il continue de travailler au sein de divers organismes liés à l’église réformée, suit encore et toujours les débats au sein des mouvements de jeunesse protestants, fort agités à cette époque. Il participe à la préparation et soutient le célèbre texte Églises et pouvoirs, qui secoue le protestantisme français. En 1980, quelques mois avant sa mort, il est fait Juste parmi les Nations pour son action pendant la guerre. Il meurt le 7 juin 1980. Je laisserai la parole à mon père pour terminer cette évocation : « Pour (le christocentrisme), ce qui détermine l’histoire, ce n’est point l’origine de l’homme mais la fin que Christ annonce et accomplira : le Royaume qui vient ! (…) L’homme n’est pas seulement créature mais, créé à l’image en Dieu, il participe aussi à l’œuvre de la création : dès son début l’homme n’a-t-il pas reçu pouvoir sur la création ? »

Quelques ouvrages de Jean Joussellin

  • Présence de l’islam, Société des Missions Évangéliques, 1940.
  • Civisme et insertion sociale, éditions Privat, 1962.
  • Une nouvelle jeunesse française, éditions Privat, 1966.
  • Le Devenir de l’éducation, Les Bergers et les mages, 1968
  • Les Révoltes des jeunes, Éditions ouvrières, 1968.
  • Enfants perdus ou éclaireurs, Flammarion, 1977.
  • Vivre demain dès aujourd’hui, Éditions ouvrières, 1970