Par Lionel Thébaud, pasteur de l’EPUdF, comité de rédaction de Présence

La vie n’était pas assez difficile. On avait la misère, le racisme, la violence… on avait les crises économiques, les attentats, la pollution… On essayait de garder l’espoir qu’un jour tout irait mieux. On voyait la vie comme une journée qui s’achève, avec le soleil qui se couche lentement dans le ciel bordé de nuages, en se disant que demain le soleil brillerait de nouveau. Mais la nuit que nous traversons apparaît plus longue que prévu : on a la Covid-19, le confinement et cet isolement insupportable. On se dit que, peut-être, le soleil a oublié de prévoir son retour. Qu’il va falloir nous habituer à la nuit.

Dans cette nuit, qui nous semble de plus en plus obscure, nous voyons que nous sommes pris·e·s dans un système où la technique est reine : les écrans omniprésents et la fuite permanente de nos données  personnelles témoignent d’un environnement créé par l’être humain où l’efficacité en toutes choses est recherchée sans cesse, ce qui ne laisse que très peu de place au vrai repos et au ressourcement. Un environnement qui se ferme et qui bouche tout l’horizon. Nos vies sont de plus en plus programmées. Nous risquons fort de bientôt ne plus être maîtres de notre destin. Ni individuellement, ni collectivement.

Lueur de l’espérance

Mais dans ce tableau plutôt sombre, je vois poindre une faible lueur. Cette lueur, c’est l’espérance qui est au cœur de la foi chrétienne : là où tout nous apparaît comme étant sans issue, l’espérance fait des brèches, elle met du possible là où rien n’est possible. Elle ouvre des horizons. Pour Jacques Ellul, dans L’Espérance oubliée (1972), on ne peut faire appel à l’espérance que dans le désespoir. Il ne s’agit pas d’espérer que « demain il fera beau » ou que Biden fera moins de dégâts que Trump (ce qui est de l’ordre de la probabilité, de l’espoir et pas de l’espérance, dit Ellul), mais il s’agit de trouver comment, face à cette fermeture du monde, résister de toutes nos forces contre les logiques déshumanisantes, comme dans une sorte de combat désespéré : nous ne croyons pas que nous allons gagner, mais nous ferons tout notre possible pour gagner. Alors, peut-être, comme par miracle, nous arriverons à faire une brèche.

La même technique

Et ce que je perçois, aujourd’hui, c’est que devant nos isolements forcés, devant la folie guerrière ou devant les maladies inconnues, la même technique qui nous enferme nous aide à prendre soin les un·e·s des autres. Grâce à ces outils, nous pouvons communiquer et dénoncer les horreurs perpétrées par nos semblables, et nous mobiliser pour lutter contre les fanatismes. Grâce à ces outils, nous voyons la médecine évoluer. étrangement, ce qui ferme notre avenir peut aussi être ce qui va nous aider à reprendre nos vies en mains. Pas question pour autant de nous illusionner : le salut ne viendra pas de la technique. Mais tout ce qui nous permet de réintroduire de l’éthique et de la liberté dans un système verrouillé par l’idéologie du progrès technologique, de remettre l’être humain au cœur de toutes nos décisions et de redonner à la technique sa place de simple outil m’apparaît comme cette lueur qui annonce la venue d’un jour nouveau.