Sans l’imprimerie, la Réforme n’aurait sans doute pas eu les moyens de s’imposer face au pouvoir de l’Eglise romaine. Son moyen de diffusion serait-il la recette de son succès ? C’est la question que pose l’exposition Print ! Les premières pages d’une révolution, au Musée de la Réforme (MIR), à Genève, en décortiquant les mécanismes de ce mouvement de réforme religieuse.

« Le message est le médium, pensait le philosophe Marshall McLuhan. Sans communication, il n’y aurait donc pas de bonnes idées. L’imprimerie accélère le succès de la Réforme en diffusant dans toute l’Europe les idées novatrices des réformateurs, sur le papier. Elle crée les premiers lecteurs ! » commente Gabriel de Montmollin, directeur du MIR.

La communication des idées de la Réforme n’est plus uniquement spirituelle et orale. « C’est la naissance de l’individualisme de l’acte croyant », ajoute-t-il. « Cette révolution, amenée par l’imprimerie, fut aussi puissante que celle que nous vivons aujourd’hui avec internet. »

La virtualité de l’écrit

« Il y a des similitudes entre le mode de diffusion de l’information au XVIe siècle et celui, virtuel, de notre ère numérique. Les textes sont courts, diffusés largement et rapidement. L’imprimerie démultiplie les possibilités de l’édition. Les acteurs se l’approprient », analyse Olivier Glassey, sociologue à l’Université de Lausanne et spécialiste des nouveaux médias. Il fait le lien avec l’arrivée d’internet : dès les années 2000, chacun y publie ce qu’il souhaite, en développant une écriture orale qui lui est propre.

« Dans les deux cas, on assiste à un phénomène de contournement de l’autorité, qui pose la question de la gestion de la qualité des contenus. La Toile ouvre la possibilité d’interpeller tout ce qui est dit et écrit, donnant naissance aux post-vérités et faits alternatifs, qui font appel à l’émotion plutôt qu’aux faits objectifs », note Olivier Glassey. La démocratisation de la prise de parole est l’enjeu aujourd’hui, comme il y a 500 ans.

La fluidité des contenus

Internet a brisé les barrières de l’accès à l’information. Il est une ressource potentiellement omniprésente. Même l’illettré numérique peut l’utiliser. « Suis-je pour autant surpris par ce que j’y découvre, alors que les algorithmes analysent mon comportement sur internet pour me diriger et m’offrir ce qui me plaît ? » A l’essor des contenus individualisés qui marquent une différence nette avec les contenus de masse générés par l’imprimerie, c’est l’immatérialité de l’information qui émerge avec l’ère numérique.

« Le livre ou le journal imprimés sont des supports de partage. La matérialité est gage de stabilité dans le temps et l’espace. Or, avec internet, on assiste à une fluidité permanente. Difficile de retrouver un contenu consulté la veille, qui aura disparu ou été modifié », observe Olivier Glassey. Le sociologue prend pour exemple les livres numériques, qui illustrent la tentative de digitalisation de l’imprimerie. Quant à l’imprimé, il n’a pas encore disparu. L’attachement au papier est bien présent chez nos contemporains. « Si nous sacrifions le papier, nous changeons de civilisation. Il nous faut être conscients de ce que nous quittons pour savoir où nous allons », ajoute Gabriel de Montmollin.

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